Le lecteur accompagne l’errance d’un personnage perdu dans un environnement qui lui est étranger. Il s’agit ici peut-être d’un migrant fraîchement débarqué sur la côte italienne. Le récit ne confirmera pas cette sensation mais on y vit une étrangeté semblable à celle du récit minutieux de Robert Walser, la Promenade. Le personnage principal apparaît en silhouette. Personne ne le voit vraiment – contrairement aux autres personnages rencontrés et aux lieux parcourus qui présentent une caractérisation parfois quasi photographique.
De la sorte, Corso à contre-main se présente comme un cortège de carnaval qu’on prendrait à contre-sens. Surprenant et déstabilisant, avec la conscience de ne pas être à sa place. En espagnol, corso a contramano désigne aussi le fou, ou celui qui est perçu comme tel, celui qui prend à revers le chemin attendu, malgré tous les avertissements. Le personnage du récit incarne cette figure du fou. Il porte une attention inadaptée à son environnement. Tout y devient signifiant et y est pris au pied de la lettre. Là apparaît ainsi une forme de glossolalie. L’italien, langue étrangère de son environnement immédiat, est compris comme une suite de quolibets à son égard. Il tente de supporter cette langue et ce monde qui ne semblent pas vouloir de lui tout en continuant à avancer droit devant lui.
Olivier Spinewine est enseignant, auteur et éditeur. Né en 1977, formé à l’ULB en philologie romane, il suit dans un second temps un cursus en bande dessinée à l’ESA Saint-Luc. Il a aussi fondé la maison d’édition Lustre, dédiée à la publication de livres de dessins d’artistes. Aujourd’hui, il est enseignant à l’ERG et à l’ESA Saint-Luc. Auteur de plusieurs ouvrages de bande dessinée ou de dessins d’artiste (tels Clair Soleil, La Cinquième Couche), il a aussi créé le projet photographique Villevue avec l’artiste Jiacinto Branducci.