
« En 1915, à Londres, paraissait le recueil Cathay du poète Ezra Loomis Pound, alors âgé de trente ans. Dans ce livre, il « traduit » librement — « réécrit », s’approprie — des poèmes collectés de la tradition littéraire chinoise. Parmi ceux-ci, le « Chant des archers de Shu » — une mélopée de la fin de la Dynastie Yin (1401-1121 acn) — raconte la souffrance d’archers en campagne. Pour ces hommes loin de leur terre et de leurs proches, soumis à la soif, à la faim, l’espoir d’un retour au domicile est lui-même source de peine. Les mois s’égrènent, la campagne se termine, les archers rentrent chez eux. Persiste la souffrance de n’être, malgré tout, plus chez soi, d’avoir perdu tout sentiment d’appartenance à un territoire, quel qu’il fut. « Souviens-toi que le poète est, par essence, un déplacé », voici la dernière phrase de ma première rencontre avec Werner Lambersy, c’était en décembre 1991. (…)
Que reste-t-il des archers de Shu ? Un poème : souvenez-vous du chant, non de ce qu’il racontait. Tous ont désormais disparu. Werner Lambersy s’est assis, pas vraiment parce que sa force l’a quitté, non… ce ne sont que les jambes… l’équilibre aussi, l’oreille interne… d’emmerdantes broutilles. Double lucidité du poète qui s’observe vieillissant tout en constatant que, le moment venu, le poème, se passant de lui, conservera force et vigueur… Parce qu’il y a le reste, oui ! Tout le reste qui se passe de qui le traverse ! Et après ? Il en est du poème comme de l’univers : persiste encore cet inimaginable reste qu’un texte éclaire brièvement, subrepticement mais sans contestation possible… ce moment grave et flamboyant où le poète devient poème… »
— Otto Ganz
Extrait
Quand
Le soleil aura usé son silex contre
Le bois d’ébène de la nuit
Nous ne serons plus là mon amour !
Mais nous aurons chanté
Dansé bu ri et loué de n’être plus là
***
Les livres de la collection 4 1 4 ont la particularité d’être vendus par deux exemplaires collés l’un à l’autre au niveau du rabat : le premier exemplaire à conserver, le second à offrir.