« … et pourquoi des poètes en temps de détresse ? » se demandait Hölderlin dans son poème Pain et Vin. La question, toujours vive, s’est posée après Auschwitz, Hiroshima ou la Kolyma. Elle reste d’actualité en ce début de siècle (qui ressemble fort au précédent) au Pays de Cham ou ailleurs, dans un monde qui semble avoir perdu le sens du sacré.
Poursuivi par d’invisibles remous, intimes ou sociétaux, Alain Dantinne s’interroge sur le sens – ou l’absence de sens – d’une démarche poétique et rejoint Georges Bataille quand il écrivait dans l’Impossible : « La poésie qui ne s’élève pas au non-sens de la poésie n’est que vide de la poésie, que la belle poésie. » Aujourd’hui, cette démarche favorise-t-elle une présence à soi et au monde ou mène-t-elle sur des chemins de nulle part ?
Alain Dantinne est un bouffeur de continents. Il découvre à seize ans les textes d’Achille Chavée, il ne s’en remettra jamais. La lecture de poètes tels Michaux et Cendrars l’emmène dans l’écriture du voyage. Guillevic et Char lui apprennent la rugosité du monde, Genet et Moreau, celle des frères humains. Aujourd’hui, il vole maladroitement de ses propres ailes ; il enseigne aussi, la philosophie dans des milieux huppés, le doute et l’étonnement ailleurs. Il commet des pastiches, et l’assume. Il n’a toujours pas lâché son dernier mot.