• Auteur(s): Paul De Ré
  • Éditeur: Murmure des soirs
  • Genre: Roman
  • Format: 17 x 20 cm
  • Nombre de pages: 243 pages
  • ISBN: 978-2-930657-14-1
  • Parution: 2013
  • Prix: 20 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: MDS Benelux (B). Librairie Wallonie-Bruxelles (F).

Célestin, jeune carrier de la région d’Ourthe-Amblève, est né « de père inconnu ». Il vit seul – et bien chichement – avec une mère qu’il adore, mais dont les réponses quant à l’identité de son géniteur ne peuvent plus lui suffire.

Allumée, voici deux ans, par la réflexion d’un camarade d’école, sa curiosité n’a cessé de s’aiguiser au fil de certains silences ou regards entendus, et ce n’est pas le serment que lui a extorqué sa mère (celui de ne jamais mettre les pieds dans le village d’Anthisnes, berceau de sa famille) qui va l’empêcher de chercher… et de chercher encore.

Ses premières investigations ne l’avancent guère ; mais voilà qu’au hasard des chemins du secret, il découvre tout un attirail qui fleure le mystère : une longue canne au pommeau d’ivoire, une série de rubans marqués de signes cabalistiques… et surtout un curieux certificat où figure en toutes lettres, parmi les formules cryptées et les cachets de certaines villes de France, le nom d’un certain compagnon « tailleur de pierre du Devoir »…

Après le franc succès de ses romans dits « de terroir » (la Dernière Bètchète, l’Envol des Critchons), Paul De Ré nous revient avec un récit qui se veut plus universel, mais qui reste tout aussi palpitant… et savoureux !

Extrait
La sirène a retenti. Et son mugissement a rebondi de paroi rocheuse en paroi rocheuse ; rebondi entre les jambes du grand pont roulant et jusqu’aux tréfonds de la carrière pour couvrir le concert des burins et bouchardes, tenir tête aux ahans de la grue à vapeur et s’en aller huer, faute de les faire taire, les insupportables criaillements de la scierie à lames.
À ce signal, Célestin Jurkens a levé la tête, comme la plupart de ses compagnons, mais pour lui comme pour tant d’autres, il ne peut être question de débrayer à la seconde. Il y a ce bloc de granit qu’on lui a donné à dégrossir – et pas seulement pour lui « faire les poignets » ! Alors ? Le voilà donc qui redouble d’ardeur à grands coups de massette, en un ultime sursaut que l’on dirait de rage. Et tout à côté Mathieu Gramme, l’homme que l’on a commis à l’apprentissage de Célestin en raison de sa grande maîtrise, continue pareillement sa ciselure. Et partout il en est ainsi, d’un bout à l’autre de l’exploitation et dans les « trous » voisins : ici c’est une « ligne » ou une coupe à finir, là c’est un transport à mener au bout, un chargement qui ne peut souffrir de délai. De sorte que le travail ne s’éteint, au Coreux comme ailleurs, qu’en un lent decrescendo.
Cela fait pourtant onze heures qu’ils triment, tous autant qu’ils sont, et chaque molécule de leur être le sait. Mais c’est ainsi : on peut cesser l’ouvrage… pas le laisser tomber.
Oh ! Ce n’est assurément pas pour les beaux yeux du patron que l’on persévère de la sorte !… ni pour les trois maigres francs qu’il donne à la journée ! C’est d’abord par amour du travail bien fini, et ensuite — et surtout ! — par amour de la pierre, de cette pierre bleue que l’on extrait, ici, avant de la travailler et qui, même si l’on finit toujours par la façonner à sa guise, n’a de cesse de vous posséder, elle aussi, ainsi qu’une maîtresse abusive, à tel point qu’on finit par l’avoir « dans la peau » et par l’aimer jusqu’en son odeur intime : ce parfum d’œuf pourri qu’elle exhale sitôt qu’on la tracasse et dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a rien de suave !
Maintenant ça y est. C’en est bien fini de cette douzième journée du mois de mai 1899.