
Un dictionnaire encyclopédique et légèrement citrique, à l’occasion des vingt-cinq ans de L’L.
Dans le système actuel de production de spectacles en Fédération Wallonie-Bruxelles, et plus largement en Belgique et en France quelle est la place pour le « laboratoire » ? Comment s’organise, se développe – ou se réduit – cet espace nécessaire à la formation des langages en arts de la scène, à leur puissance, à leur renouvellement ?
Alors que dans 99% des cas et des lieux de création, les répétitions sont liées à une date de première – ce fameux soir où il faudra que le public goûte –, le projet de L’L, à Bruxelles, offre une perspective très singulière : les artistes y travaillent sans objectif de résultat et sans limite dans le temps, selon un protocole rigoureux de soutien et d’accompagnement.
S’interroger, penser, essayer, se tromper, laisser mûrir, y revenir : la logique de la recherche invite à d’autres cadences et à d’autres modèles de production. C’est à leur découverte que nous invite ce livre. Un dictionnaire (en l’occurrence celui-ci) est un des rares endroits où résistance peut succéder à résidence, et où silence vient après salaire. La logique de l’alphabet, pour respectable qu’elle soit, crée des frottements ou des éloignements inattendus, qui rafraîchissent les points de vue. Des cartes blanches laissées à une dizaine d’artistes et des « planches anatomiques » radiographiant certains thèmes délicats comme « Art et argent » complètent un ouvrage dédié au plaisir de prendre son temps, non pas pour le perdre, mais pour le retrouver. Empoignant le vocabulaire à bras-le-corps, soulevant le couvercle de la production pour voir ce qui s’y trame, Laurent Ancion propose un livre comme un manifeste décalé, invitant le lecteur à y piocher des idées et confronter ses opinions. Avec pour guide une question lancinante : si on ne prend plus le temps de chercher, comment pourrait-on espérer trouver quelque chose ?
Où l’on découvre que la question de la recherche fondamentale, toujours à défendre dans le monde scientifique, n’est guère plus acquise dans le secteur des arts de la scène. Un ouvrage comme un objet ludique dont les entrées multiples et les définitions à tiroirs invitent à une lecture dans un désordre agréable, vivant et volontiers désobéissant.