Entre le vide et le trop plein du désir amoureux ou celui d’écrire, il s’agit de se jeter « jusqu’à la fissure », jusqu’à l’ébruitement de la peau et des mots. La mer, lieu originaire, métaphorise le désir dans ses vagues hautes. S’en séparer permet de naître à soi, d’ouvrir sa propre page, de jardiner perte et vide. Dans le vif de l’entaille, se déploie « l’éventail/ de l’imaginable » où dans un clair obscur s’inventent les nages des corps. Quand se travaille la déchirure, surgit le prononçable « des lignes de partage des souffles ». Sous les griffures du papier, les chiffonnades de la peau, se cherche la distance, la bordure qui permet de « voir avec sa peau ». Alors s’agrandit l’imprévisible, s’articulent le blanc et l’inaudible. Et c’est dans « l’obstination de l’encre » que se lit l’obstination de vivre. Grâce au ressac des mots, aux ruptures de phrases et du sens, « la nuit sans bordure » rencontre le mouvant de « la lumière d’écume ». Comme le relève Alain Wexler dans sa préface, le lecteur est placé sans cesse « au bord de quelque chose » Et pourtant dans les poussées de la « langue d’eau » de la poétesse, le désir avec sa « rouge tête de gargouille » nous fait signe. Comme si nous pouvions partager son « bleu exact », ne point craindre son « insolence face à la mer ».
Anne-Lise Blanchard est née à Alger, a grandi à Vénissieux et vécu à Lyon avant de migrer vers la lumière languedocienne. Elle a eu trente-six professions, ne sait rien faire de ses mains, lit ici et là, notamment à la Maison de la poésie du Languedoc, et parfois en lecture-spectacle. Collaboratrice de la revue Verso, elle a publié une vingtaine de recueils de poésie et de nouvelles.