Tel le Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp, le temps semble se rétrécir pour Pascal Feyaerts au mouvement d’un présent arrêté.
S’il vit dans le passé, c’est à l’état de deuil. La perte est immanente, constitutive de son état d’esprit. Le présent se dilue dans l’esseulement, ne se connaît à vivre qu’au titre de point de départ d’un futur sans perspective.
Ne reste que le corps pour aspérité sensible, l’âme pelée au vent. Aussi esquisse-t-il à travers le poème la transcendance qui lui permettra de surmonter l’angoisse que suscite en lui l’empilement des jours.
Qu’est-ce qu’un présent, qu’une durée qui ne se connaît plus pour durable, sinon la projection dans l’éternité pour approfondissement de l’instant ?
Reste l’éclat de temps que la fulgurance d’une image fixe dans l’éternel présent, la séduction du « bel aujourd’hui » (Mallarmé).
— Jean-Michel Aubevert, extrait de la préface.
Extrait
Je n’aurai jamais ni d’anneau
Ni d’enfants ni de vue à long terme
Debout seul dans un fier marécage
Qui me mange de l’intérieur et déborde
Seul si seul à tenter d’écrire le poème ultime
À défricher l’espace fantôme du rien
Pourquoi on se le demande quand
Tout ce qui vous entoure ne prétend qu’à s’abîmer
Que la lumière est tiède qui vous invite au réveil
Et qu’une nausée trop bien permanentée fait effet de ciel
Demain arrive lentement
Et pour rien sans doute
Tant hier l’a dévoré à jamais
C’est la serrure qui fait exister la porte :
Ai-je encore quelque lieu à ouvrir ?
Du chant seule l’aspérité persiste à luire
Quand sa lumière a rejoint la tiédeur
Des murmures et qu’aujourd’hui
Avance avec l’instant pour mémoire