« Paroles pour chant, dis-tu,
Paroles pour chant »
On entre dans ce longpoème, sous-titré de la sorte par Ben Arès, comme on entre en révolte, en apnée. L’auteur, Belge vivant à Madagascar, charrie de son souffle l’histoire coloniale telle qu’elle persiste là-bas, aujourd’hui, dans l’organisation sociale et ses stigmates, puis lui saute à la gorge, lui, le Vazaha (étranger, blanc en malgache). Juste retour de flamme d’une conscience aiguisée qui se construit par accumulation, glissement d’images, répétitions, Aux Dianes est aussi une ode aux oubliés, minoritaires : femmes, poètes, spectres qui hantent l’espace et le temps de leur vérité, de leur culture. Ben Arès nous propose une poésie engagée, dans la mesure où elle s’ancre dans le corps, est prolongation de sa fièvre mais sa langue n’est pas entachée des poncifs du genre. Il ne milite pour aucune cause, ne délimite aucun camp car il sait devoir se défaire de la raison pour cheminer vers le vrai de sa condition, la condition humaine. Il n’affronte rien d’autre que la résistance du réel, son irréductible fuite entre Histoire et vie intérieure. Là, au centre de son chant, il perd repère et identité. Traversé d’instantanés malgaches, celui-ci devient quête, chemine vers le questionnement plus que vers l’immobilité des certitudes.
Extrait
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aux Dianes,
Madécasses des jadis et naguères de
l’Île Memuthias,
Cerné,
Sarandib,
Mascareignes,
San Lorenzo,
Saint Laurent,
Madagascar,
l’Ile Rouge,
aux Dianes,
engeances des Vazimba, premiers arrivants sans
doute, de souches indonésiennes, bantoues et
africaines,
engeances des étreintes en vigueur, premières
ethnies qui s’ édifièrent,
engeances des arabo islamistes, Antalaotsy Antalaotra
ces gens de la mer, et leurs langues, écritures et
sorabe, et leurs jours, mois fastes ou néfastes,
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