• Auteur(s): Annie Préaux
  • Éditeur: M.E.O.
  • Genre: Roman
  • Format: 14.5 x 21 cm
  • Nombre de pages: 220 pages
  • ISBN: 978-2-8070-0134-3
  • Parution: 2017
  • Prix: 17 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Pollen

Que faire lorsqu’on subit un licenciement aussi brutal qu’arbitraire et que le mot «chômage» devient imprononçable ? La question, douloureuse, enfonce dans la sidération Sandrine, ex-cadre commercial d’une firme pharmaceutique. Avec, en filigrane dans la solitude et l’opacité des jours vides, la soif d’un père absent depuis l’enfance, qui vient de mourir et dont elle occupe la baraque déglinguée.
Jean-Marc, lui, se demande si le stress post-traumatique lui permettra de reprendre son travail de professeur après avoir été agressé par un élève. Sa brève rencontre avec Sandrine, ivre morte le soir de son licenciement, ravive son vieux désir d’écrire. La jeune femme lui serait-elle tombée de nulle part, comme la Bird du Baiser cannibale, son roman fétiche, pour devenir le personnage qu’il attendait ?
Encore faudrait-il la retrouver…

Extrait
Allez, sur fond de All the Things You Are, cherchons ce que nous sommes : une prisonnière du Mage Chô, enfermée dans sa cellule blanche. Commerciale sans commerce. Sans bagnole. Sans Kriss ou équivalent. Ni produits variablement performants. À défendre à coups de science, de baratin et de cadeaux. Quoi d’autre ? Fille d’un inconnu, passons. D’une jolie femme qui aurait pu être styliste, journaliste de mode, créatrice d’une ligne de vêtements dans une grosse boîte, mais qui est devenue simple vendeuse comme sa mère. Certes, dans un écrin. Mais que deviennent les écrins au bout de tant d’années ? Moi, au moins, j’aurai échappé à la tyrannie des générations ! Encore que… Qu’ai-je été d’autre qu’une vendeuse, comme ma mère, ma tante, ma grand-mère ? Retour au sujet : qui suis-je ? La fille d’une femme solitaire, la nièce de Rose, seule elle aussi. L’enfant qu’elle n’a pas eu. Quoi encore ? L’ancienne compagne de Bruno, prête à tout pour qu’un rêve d’ado ne se casse pas la figure ? Pas tout à fait à tout. Continuons. Déroulons l’inventaire : une pochtronne tombée des mois plus tard sur le seuil de la maison de la rue Greyson. Bien bourrée d’accord, et bientôt obsédée par un rêve de meurtre sanglant. Poursuivons : l’amie de Laura, cette incroyable travailleuse, laissée sans nouvelles. Et puis ? L’habitante de la petite maison où son père a fini d’exister. Celle qui écoute la rivière et les projets d’avenir de son vieux voisin. Après ? Enfin ?… La lectrice intermittente de l’histoire d’une femme oiseau. Ah ! j’oubliais : la squatteuse du Bas des Rocs qui, de temps en temps, accueille Coco. Non, pas un perroquet ! Pas question de se réfugier dans un bouquin sur la vie des oiseaux, même magnifiquement illustré. […]
La nuit a viré au noir épais, écrasant, insupportable. La rivière, elle, y va toujours de sa chanson minimaliste. Malgré sa tisane « tranquility » copieusement arrosée de vodka – elle a acheté la bouteille « pour Simon » –, Sandrine ne trouve toujours pas le sommeil. Elle n’a pas envie de lire, mais elle ouvre au hasard l’album L’Amérique en 1492 que lui a prêté l’amateur de sites amérindiens. Nombreuses illustrations : architecture, sculpture, tissus… Sur la photo d’une céramique mochica, des guerriers traînent des prisonniers blessés dont le sang coule en pluie de petits traits rouges. D’après la légende en italique, leur tête est recouverte de la peau du visage d’ennemis précédemment tués et écorchés – ou écorchés et tués, selon l’ordre chronologique – par leurs vainqueurs. Et ça dégouline en effet, ça leur coule de partout, mais ce qui est drôle, c’est qu’au premier regard, ces guerriers – vainqueurs et vaincus – se ressemblent comme des frères.