Au tout début du XVIIIe siècle, l’armée suédoise défait les troupes russes de Pierre le Grand, assurant à son roi, Charles XII de Suède, l’hégémonie sur la Pologne et le Danemark.
C’est dans ce contexte qu’un déserteur, Christian von Tornefeld, et un simple voleur vont se rencontrer, un jour d’hiver, dans les plaines de Silésie, non loin de la frontière de Pologne. Tornefeld, d’origine suédoise, a déserté l’armée polonaise et rêve de rejoindre les rangs de Charles XII. Le voleur, lui, veut échapper à la potence, ainsi qu’aux forges de l’évêché (appelé aussi « l’enfer de l’évêque »), un lieu où le gîte est assuré mais au prix d’une vie de forçat.
Tous deux vont trouver refuge dans un moulin abandonné et hanté. Par un concours de circonstances ainsi qu’un pacte avec un revenant, un plan machiavélique va germer dans l’esprit du voleur qui l’amènera à usurper l’identité de son compagnon d’infortune, et ainsi devenir le « Cavalier suédois ». Jusqu’au jour où le destin va le rattraper.
Après avoir adapté le roman d’Adolfo Bioy Casares l’Invention de Morel (Casterman, 2007), Jean-Pierre Mourey signe une nouvelle adaptation, le Cavalier suédois, d’après Léo Perutz. Une nouvelle fois, il explore les possibilités formelles et narratives de la bande dessinée, pour un récit graphique dans lequel tous les éléments participent à un jeu subtil de substitution des identités et de destins croisés des personnages.
Léo Perutz est né à Prague en 1882. Cet écrivain juif d’expression allemande, mathématicien de formation, a passé une grande partie de sa vie à Vienne, en Autriche. En 1938, l’Anschluss et l’interdiction de ses ouvrages le poussent à s’exiler en Palestine. Il ne reviendra en Europe que dans les années 1950. Son œuvre comprend une douzaine de romans dont un grand nombre ont cette originalité d’être des récits historiques à la tonalité fantastique. Son talent fut reconnu et salué par des écrivains comme Hermann Broch, Walter Benjamin ou Jean Paulhan. Jorge Luis Borges, qui fut un grand admirateur et re-découvreur de Perutz, l’a défini comme une sorte de « Kafka aventureux ». Il a également influencé des cinéastes : Alfred Hitchcock, pour son film The Lodger, s’est inspiré d’un de ses romans, le Tour du cadran ; et F.W. Murnau aurait souhaité adapter ce même roman. Le Cavalier suédois a été publié en 1936.