Neuf contes drôles, exquis, intelligents !

Dans L’Andalouse, avec un petit a, un homme amateur de sauce andalouse se plaît à croire que la compagne d’un ami (il reçoit le couple chez lui) qui le soigne d’une blessure à l’arcade sourcilière causée par une prise de bec avec cet ami est espagnole parce qu’elle s’appelle Conchita…

La femme de la nouvelle suivante, une Espagnole de souche, elle, se dispute avec son mari lors du vernissage d’une expo de Bram Bogart à Bruxelles où elle est venue le rejoindre avant que le narrateur, en habile séducteur, ne parvienne à approcher la bouillante épouse humiliée qui ne pensera qu’à se venger…

La Chevrolet mêle un souvenir d’enfance et un différend entre deux voisins, un Italien sans voiture et un Espagnol ayant troqué sa vieille Skoda contre une rutilante Chevrolet.

La Der des ders, peut-être la nouvelle la plus originale de l’ensemble, par sa forme épistolaire, met en scène une ultime discussion vive et virtuelle entre deux hommes aux egos surdimensionnés qu’une relation amicale ancienne unit par-delà la distance qui les sépare.

Le Gastronome est un régal de mots et de mets qui pose un questionnement sur l’inclination à la nourriture quand elle prend certaines proportions…

Les deux nouvelles suivantes, au-delà des anecdotes rapportées, dressent un parallèle entre le monde de l’entreprise d’hier (dans VRP), fonctionnant sur le mode du paternalisme, et d’aujourd’hui (dans Drink d’adieu), basé sur le combat économique sans merci et le manque de considération dont sont l’objet les employés. On retrouve là la veine autobiographique de Cecchi à l’œuvre depuis Nature morte aux papillons, son premier roman paru au Castor astral, qui sait si bien s’appuyer sur ses expériences personnelles pour en tirer des histoires fortes emplies d’humanité et d’autodérision.

Les deux dernières nouvelles, Spanish Jazz Project et Gesualdo, rendent hommage à leur façon à deux musiciens, Carlo Gesualdo et Michel Mainil, un musicien de la fin de la Renaissance et un saxophoniste de jazz belge toujours bien vivant.

L’ultime nouvelle du recueil, dans une merveille d’écriture concise et raffinée, raconte le premier mariage de Carlo Gesualdo da Venosa, noble napolitain de la fin du XVIe siècle, par ailleurs compositeur de madrigaux et de musique religieuse alors que Naples est dirigée par un vice-roi nomme par le roi d’Espagne. Le prince se montrera d’une cruauté sans égale quand il devra laver son honneur sali par l’adultère de son épouse commis avec un duc espagnol. Dans la quatrième de couve,  il est justement conseillé d’écouter, pour l’apprécier autrement, la musique de Gesualdo pendant et après lecture de la nouvelle.

Les allusions à la culture ibérique sont toujours subtiles, c’est la cerise sur le gâteau de ce repas littéraire en neuf plats, goûteux et délicats à souhait, pour palais fins, exclusivement.

Ce bouquet de nouvelles est remarquablement illustré par Jean-Marie Molle, fondateur du groupe Maka, dans des tableaux judicieusement composés des éléments cruciaux de chaque récit.

— Éric Allard