C’est d’abord l’histoire d’un lieu : la Maison du Peuple, bâtie en 1895 par Victor Horta en plein cœur de Bruxelles, dont on apprendra que sa démolition fut décidée, à peine soixante-dix ans plus tard, par ceux-là mêmes qui l’avaient fait construire. Le lieu était pourtant prestigieux ; l’architecte rompait avec le style prudent de ses prédécesseurs, innovait avec la ligne courbe, l’asymétrie, l’honneur rendu au fer, au verre, à la lumière. Bref, celui qui révolutionnait l’art de bâtir et devenait un des maîtres de l’Art Nouveau, offrait au jeune Parti ouvrier belge un lieu à la hauteur de ses aspirations.

C’est donc aussi l’histoire du socialisme naissant, en Belgique, des combats de ceux qui ne jouissaient à peu près d’aucun droit et prétendaient manger un pain digne de ce nom, de la traversée de deux guerres par un pays qui se voulait neutre, gouverné qu’il était et, sans doute, uni par un roi, mais dont les deux langues ont révélé à quel point ses habitants étaient divisés ; l’histoire d’un mouvement ouvrier et coopératif, puis d’un parti socialiste devenu un appareil, capable, sous prétexte de modernité, de détruire « sa » Maison sans états d’âme… et même de l’oublier.

Nicole Malinconi retrouve, dans l’écriture, les traces de ce lieu perdu.