Cela ressemble à la lettre-journal d’un être enfermé et libre, parcourant des espaces divers à la fois réels et imaginés, un temps qui s’écoule fatalement rythmé comme nos vies. Qu’est-ce que vivre, qu’est-ce que vieillir ? Dans cette voix narrative d’un masculin usé s’immisce par trois fois la voix du poème, trois « chants ». Comme dans toute l’œuvre d’Hélène Sanguinetti, il s’agit toujours d’affirmer qu’au milieu du désastre – et le désastre désigne autant notre difficulté à nous tenir parmi les autres qu’à nous porter nous-mêmes – un chant est possible. Chant cassé, aussi lucide que têtu. Englués, mortels et vivants, nous sommes : à nous de chanter jusqu’à la fin. La poésie d’Hélène Sanguinetti suit une trajectoire où s’affirment des œuvres polymorphes, habitées par toutes les expériences littéraires (depuis les contes et les légendes jusqu’aux proses et aux poésies les plus contemporaines), témoin des expériences de vie comme des expériences du corps. L’entretien mené par Jean-Baptiste Para en clôture du livre permet de découvrir comme de l’intérieur le travail qui est mené ici sur ce qu’elle appelle « du » poème, une langue visuelle et sonore, chargée de tout un peuple et de ses voix, « une sorte de matière faite de tout, où on taille, qui sonne, veut danser ».
Née à Marseille en 1951, Hélène Sanguinetti vit à Arles. Après des études à l’université d’Aix, elle devient professeur de lettres. Chargée de mission pour la poésie au rectorat de Nancy-Metz en 1983, elle anime de nombreux stages pour les enseignants, ateliers et rencontres, jusqu’en 1989. Principaux livres : De la main gauche, exploratrice (Flammarion, 1999) ; D’ici, de ce berceau (Flammarion, 2003) ; Hence this Cradle (Seimicity, 2007) ; Alparegho, pareil-à-rien (Comp’Act, 2005, rééd. L’Amandier, 2015) ; le Héros (Flammarion, 2008) ; Et voici la chanson (L’Amandier, 2012). Elle est traduite et publiée en plusieurs langues, notamment en anglais.