Peut-on se soustraire de quelque manière que ce soit à cette tension permanente entre l’ici et maintenant de tous les instants et cette attente toujours indéterminée désignant ce qui ne peut être nommé, qui sous-tend le besoin de transcender tout ce qui du réel s’impose comme une nécessité de se porter au-delà de soi-même ? La poésie interroge ici non pas quelque espoir frustré ou désuet, mais le recours à cette tension qui fait vivre afin de s’accorder au mouvement de la vie sans pour autant faire appel aux fabulations bien agencées que propose l’époque. Elle appelle obstinément la parole pour désigner et pour habiter la totalité des choses et du monde. Elle impose un temps différent au cœur des choses, un temps d’attente qui ne renonce à rien, s’ouvrant à un cours universel ne laissant rien hors de lui. L’attente dispose à tout nouveau commencement, elle cherche l’avenir autour d’une cassure. Ce qui impose une expérience tout autre du langage poétique, lequel refuse ici les limites contraignantes d’un temps étroit où le vacarme équivaut à une traversée sans horizon. Demeurent possibles ces voix tissant et s’accordant à des voies invisibles, mais bien réelles, celles des espaces et des temps à refaire dans la courbe intérieure de soi.
Pierre-Yves Soucy est né à Mont-Laurier (Québec) en 1948. Docteur en sciences sociales, il a été professeur à l’université du Québec à Montréal de 1975 à 1986. Il a également occupé la chaire Roland-Barthes à l’université de Mexico de 1998 à 2000 après avoir été responsable de la section de poésie et de littérature étrangère aux Archives et Musée de la littérature (Bibliothèque royale de Belgique). Codirecteur des éditions La Lettre volée et directeur des éditions Le Cormier, il est l’auteur d’une dizaine de recueils de poésies et de nombreux essais sur la littérature, la culture et l’art modernes et contemporains. Il dirige la revue de création et d’essais l’Étrangère. Ses textes sont traduits en plusieurs langues.