Sans Gaston Compère, comment aurait-on pu imaginer que les buildings avaient une sexualité ? Les tubulures d’échafaudages sont la source de tourments organiques insoupçonnés : la chair est malmenée et les humeurs se putréfient. Lovelore, la psychanalyste, et la « chère épouse » assistent, impuissantes, à cette déconfiture. Gaston Compère est drôle et pas du tout bégueule. Sous son humour décapant, la crudité des mots renvoie à une totale sincérité. On arrive à rire de la douleur, de la mort. Gaston Compère est pudique : il s’expose et en même temps se dérobe à ceux « qui veulent des signes limpides ». Il « biaise », comme il dit.
Gaston Compère (Conjoux 1924-Bruxelles 2008) est l’un des auteurs belges les plus importants et prolifiques de son époque. Poète, nouvelliste, romancier, auteur de théâtre, essayiste… plus de 80 ouvrages dont Portrait d’un roi dépossédé (Belfond, Prix Rossel 1978), Je soussigné Charles le Téméraire, duc de Bourgogne (Belfond, 1985), Bloemardinne ou du séraphique amour (Les Éperonniers, 1991), le Serpent irisé (Édifie/Maelström), Polders (Édifie/Maelström, 1998). Auteur intarissable, auteur de l’excès, Compère est également auteur de silence, savant alchimiste du verbe et de l’esprit, poète du génie de l’homme et de ses insuffisances. Il a reçu plusieurs prix littéraires dont, en 1989, le Grand Prix de littérature de la francophonie. Une figure calme, dense et apaisante des lettres francophones, un homme pour qui le mot « amitié », devenu trop faible dans certains cas, a forgé pour les plus intimes celui d’« amouritié ».