• Sous-titre: de Leo McCarey
  • Auteur(s): Fabienne Costa
  • Éditeur: Yellow Now
  • Genre: Cinéma
  • Format: 12 x 17 cm
  • Nombre de pages: 112 pages
  • ISBN: 978-2-873404-16-1
  • Parution: 2018
  • Prix: 12,50 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Exhibitions International (Belgique et monde) Belles Lettres (France)

Dix-huit ans après Love Affair (1939), Leo McCarey refait son film, le baptise An Affair to Remember (1957). Le temps a passé, le remake en récolte les traces, et nous invite à revenir. Le diptyque provoque la discussion des cinéphiles, il faut affirmer la supériorité d’un film sur l’autre, choisir coûte que coûte.  […]

[…] Elle et Lui, le titre français, en ne différenciant pas les deux films, a le mérite de les mettre dans un même bateau, de favoriser la confusion. Ce livre entretient l’indécision, en montrant que, l’un dans l’autre, les deux films sont inextricablement liés : c’est une œuvre unique.
An Affair to Remember fait durer le plaisir de Love Affair, en prolonge ou en retourne les principes esthétiques. La proximité des deux versions renverse la proposition de Pierre Reverdy : ce n’est guère le rapprochement de deux réalités lointaines qui provoque l’étincelle, mais la coïncidence de deux films complices qui crée un horizon.
Considérant le motif central du retour ancré dès Love Affair, l’analyse suit ici ce mouvement ; revenant souvent sur ses pas, elle s’offre comme une suite de fragments cultivant les effets de retard.

Sommaire
Avant-propos : Elle et Lui dans le même bateau /// Pink Champagne /// La chanson du passé /// Dépli /// Retournements /// Libre échange /// Détours /// Gone with the Wind /// Les pieds dans le plan /// Lignes directives /// Changements de cap /// La femme d’à côté /// Not Yet Cary ! /// Dernières pirouettes.

Elle et lui dans un même bateau
[avant-propos]

Play it again, Leo ! Dix-huit ans après Love Affair (1939), Leo McCarey refait son film, le baptise An Affair to Remember (1957). Le temps a passé, le remake en récolte les traces, et nous invite à revenir. Cette reprise est pain béni pour le cinéphile ; l’œuvre, devenue double, provoque la discussion, parfois la dispute, il faut choisir coûte que coûte, chacun en fait une affaire personnelle, l’occasion de trancher et de s’affirmer, d’émettre la supériorité d’un film sur l’autre, une « tranquille certitude ». Il suffit de deux titres pour enclencher l’irrésistible manie : une liste peut se constituer par ordre de préférence – c’est un début. Mais par quel film commencer ?
Parmi les nombreux amateurs, Alain Resnais donne son sentiment : « J’admire beaucoup Love Affair qui est un des grands chocs de ma vie. Je ne suis pas de ceux qui disent que la deuxième version, An Affair to Remember, est la meilleure, je garde une affection pour la première. » McCarey, lui-même, se prête au jeu : « Je préfère la première version pour sa beauté, et la seconde parce que, financièrement, elle a été un beaucoup plus grand succès ! »
Elle et lui, le titre français, en ne différenciant pas les deux films, a le mérite de les mettre dans un même bateau, de favoriser la confusion. J’ai choisi, dans ce livre, d’entretenir cette indécision, de me défiler en mettant les films hors compétition, de ne pas monter le premier contre le second (ou vice versa), mais de les voir l’un dans l’autre, inextricablement liés : c’est une oeuvre unique.
An Affair to Remember fait durer le plaisir de Love Affair. Il étire son histoire, ouvre son champ à tout vent, porte sa bonne parole en développant son écho, passe par dessus bord, persiste, se mêle d’une affaire qui, par delà les années, le regarde. Il n’est pas question d’effacer le film précédent, de tourner la page, mais de procéder par superposition et étirement ; Love Affair se trame à l’arrière-plan de An Affair, souvenir persévérant par en-dessous : An affair to remember. Couche supplémentaire, un film s’ajoute à l’autre, le reprend, prolonge les principes esthétiques ou les retourne. Le remake, « seconde fois », est aussi marqué par les premières fois : McCarey, après six années sans filmer (suite à l’échec de My Son John) fait son premier film en CinemaScope et son premier film en couleurs, entraînant Love Affair dans cet élan novateur. La proximité des deux versions renverse la proposition de Pierre Reverdy : ce n’est guère le rapprochement de deux réalités lointaines qui provoque l’étincelle, mais la coïncidence de deux films complices qui crée un horizon. « Entre la première et la seconde version, il n’y a à vrai dire pas beaucoup de différences  » dit étrangement McCarey. C’est pourtant dans cet « entre », dans la « différence » même que le cinéaste crée cette oeuvre unique composée de deux films en miroir, une oeuvre mémorable – « un film si beau que [Leo McCarey] le tourna deux fois » – qui se constitue en souvenir lorsque Love Affair devient An Affair to Remember.
Dans ce souvenir, avec beaucoup de « reconnaissance », je me loge, ayant inévitablement en tête, abordant l’un des deux films, l’autre version. Armée de ce savoir antérieur, je ne m’en affranchis pas, fais avec, me laisse prendre en connaissance de cause. Entre deux films, je cherche à entretenir la relation comme on entretient un feu, à la faire durer. Un film dans l’autre et vice versa : dans le présent de l’écriture, les œuvres en interaction se génèrent l’une l’autre. L’étude du remake se fait théorie des procédures de toute analyse : voir une chose et à la fois une autre, doubler le film, le réfléchir, procéder par additions, sympathies et suppléments.
Considérant le motif central du retour ancré dès Love Affair, l’analyse suit ici ce mouvement ; revenant souvent sur ses pas, elle s’offre comme une suite de fragments cultivant les effets de retard, les multiples reflets dispersés et constitue, par libres associations, le diptyque en ricochets.