Dans le bois, on court vers rien, encore et encore et encore, et lorsqu’on réalise qu’il est trop tard et qu’on est perdu bel et bien, le rien change de nature : ombres aguicheuses, offres exceptionnelles d’abonnement à l’oubli, boutique de souvenirs encombrants, paquets de nuit mal ficelés.
Quel rapport avec Et aussi les arbres ? Un écho lointain. Trop, peut-être. Comme celui d’une meute chassant le silence, que les arbres joueraient à se renvoyer. Entre les lignes et les branches, les images se bousculent pourtant, nettes et têtues.
C’est là, sans doute, l’une des plus singulières forces d’IBL. La proclamation silencieuse, indépendante de toute volonté, d’une fraternité d’âme. Les mots faisant aimant à leur corps défendant, précipitant des apparitions qui leur échappent. Ça s’est déjà vu, et entendu.
Sur les sentiers tortueux d’Argol, dans une ligne de basse entortillée autour d’une mélodie affligée qui n’existe que pour vous. Tout y est violemment fluide, d’une aveuglante justesse. La volupté et la joie secrète de l’abandon derrière les paupières closes, les méandres de la rivière du corps, les nœuds inextricables, apaisement et inconfort enchevêtrés, l’étourdissement et la réparation, le paysage brusquement avalé par la seconde d’avant, ou celle d’après. C’est là que se tient IBL, je crois, dans ce non-lieu de non-dits où tout n’est que sensation, dans ce paysage qui est la demeure de chaque femme, de chaque homme, dans ce qu’ils se disent avec ou sans les mots, et qui ressemble à ce que se disent les arbres entre eux. On ne parle jamais mieux qu’à ceux qui ne sont plus là pour entendre. Quelle est la contenance d’un paysage ? La seconde d’avant ou d’après, on ne sait déjà plus. Aucun arbre ne cache la forêt.
— Manuel Plaza, extrait de l’avant-propos.

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