Avec pour toile de fond la lumière rouge et démoniaque du laminoir, Lemonnier raconte parallèlement la dépravation progressive de Clarinette Huriaux et l’irrépressible montée de la violence sociale. Dans cet univers scellé par le mythe éternel du Feu, la femme découvre « la joie cruelle de sa perversité toute-puissante », tandis que lentement gronde la révolte ouvrière à laquelle la grève apportera une éclosion brutale.
L’ampleur de son œuvre et son inlassable activité de critique d’art font de Camille Lemonnier (1844-1913) une des figures-clés de l’histoire culturelle belge. Tour à tour conspué et admiré, le « maréchal des lettres belges » s’imposa comme la personnalité dominante du naturalisme en Belgique. Le réalisme de ses romans (qui lui vaudra plusieurs procès pour pornographie) va de pair avec une écriture puissante et baroque prompte à se saisir de grandes figures mythiques. Rurale au départ (Un mâle, 1881), son inspiration le portera plus tard vers des thèmes sociaux (Happe-Chair, 1886 ; la Fin des bourgeois, 1892).