Les habitants d’Asie centrale glissent le soir sous leur oreiller un recueil de poèmes, Hâfez, Saadi, Khayyâm. Pendant leur sommeil, les vers, rythmes, sons, images et rimes dansent avec les rêves, et la page offerte au hasard au petit matin sera pour le lecteur non pas vraiment un oracle, mais une couleur, une orientation, un climat qui accompagneront sa journée et soutiendront son regard.
La poésie est la chair du quotidien, un quotidien que le poète iranien moderne Sohrab Sepehri décrit avec un regard lavé, dans la simplicité apparente des gestes et des choses qui deviennent comme l’antichambre d’un monde supraréel, la clef du monde imaginal.
Il y a urgence à sortir ce recueil de sous l’oreiller, recueil qui offre pour la première fois une somme de poèmes traduits en français et mis en regard de leur original persan, et de le laisser nous emmener au pays du vent, des libellules, des peupliers aux feuilles qui claquent et nous dévoilent par ce langage un chemin caché, une allée verte, plus verte que le songe de Dieu.
Sohrab Sepehri (1928-1976), né à Kâshân, mena de front les carrières de poète et de peintre, les deux passions s’alimentant réciproquement. Il trouva sa source d’inspiration dans de nombreux voyages à l’étranger, et son vif intérêt pour les différentes mystiques orientales marqua considérablement son oeuvre. En 1976, il réunit ses œuvres poétiques dans Hasht Ketab (Huit Livres). La qualité de son œuvre et de sa pensée marqua profondément son temps.