
Le cheminement des poèmes se fait d’une manière secrète, avec une faiblesse constante qui ne connaît pas la calendarité et les pressions du jour. La nature s’y présente dépouillée dans sa visibilité. Car le poète fait de cette vision un nom propre, peut-être pour ménager la présence d’un réel trop puissant. L’état-limite d’une pensée aveugle ne se donne pas facilement. Il n’est pas susceptible d’être cherché. Les choses peuvent alors être lues dans l’énonciation du regard, dans le retournement vers cet éphémère qui nous racine.
Dans l’aride, dans l’insistance épineuse du sec, la lumière perd toute prétention à devenir fondement. L’os, la rocaille, l’ombre, le souffle, autant d’indices du dépouillement de cette écriture-genêt qui subsiste dans l’espace de dilatation de la lumière. Sur une étendue de vague filiation patagonienne, où identité et temps cèdent leur privilège au tracé de la lumière, le souffle n’altère pas les contours. C’est dans ce souffle que s’amorcent les images furtives. Car cette poésie est faite de fuite lorsque le souffle est menacé par une pensée trop ancrée dans l’image et dans le nom. La science du souffle commence dans la foulée, pas à pas, lorsque l’écriture gravit de plain-pied les hauteurs raréfiées, pauvres en nom. Danièle Faugeras met en œuvre une stratégie de dénomination où le pied est moins géomètre qu’involontaire géographe. Elle n’est pas montée au Ventoux ni n’a inventé le paysage. Attelé à l’innommable, le pas se dirige vers un fond imperçu qui ouvre la porte littéralement à toutes les visions possibles.