Au départ de cette puissante pièce politique, une anecdote historique, la rencontre en août 1959 entre Pierre Elliott Trudeau, futur homme d’État, et Ivan Chtcheglov, ancien membre de l’Internationale lettriste. Ils sont l’un et l’autre sur une trajectoire opposée : Trudeau à la veille de devenir Premier ministre du Canada, Chtcheglov habitué des hôpitaux français et des asiles d’aliénés où devait se passer le restant de sa vie.

Si nous ne savons rien de ce que ces deux hommes se sont dit, on peut imaginer leurs préoccupations cet été-là : Trudeau, directeur de la revue Cité Libre, songe à entrer au Parti libéral, c’est le début de sa carrière politique. Chtcheglov est encore sous le choc de son éviction du mouvement lettriste en 1954. Cinq ans plus tard, Debord a souhaité une réconciliation, mais Ivan boude et se croit persécuté par le leader situationniste.

Trudeau et Chtcheglov incarnent deux conceptions différentes de la vie. Au-delà de l’opposition entre une vision politique du monde et une vision poétique, deux approches du théâtre s’affrontent également au cours de leur nuit d’ivresse.