L’élargissement de la pratique artistique semble bien, et plus que jamais, caractériser l’état des choses dans l’univers aujourd’hui globalisé de l’industrie culturelle dont l’industrie de l’art n’est qu’un segment. On peut d’ailleurs parler à présent d’une déterritorialisation généralisée des pratiques qui amène à utiliser pour qualifier un artiste – en tout cas dans la langue française – le mot de plasticien, un terme suffisamment peu spécifié pour pouvoir réunir bien des gestes et artefacts qui donnent son contenu au travail de l’artiste, lequel, quand il est fécond, se situe à la pointe extrême de l’apparition du sens, au plus de son émergence et donc aussi au bord de sa dislocation possible, autrement dit et littéralement in extremis. Bien que souvent écrits au gré des circonstances – commissariat d’exposition, conférence, recherche effectuée pour elle-même, commande pour une publication – les textes réunis dans cet ouvrage prennent acte de cette situation. Nombre d’œuvres étudiées ici – dont celles de Gehrard Richter, Fred Sandback, On Kawara, Jessica Stockholder, Erwin Wurm, Pierre Bismuth, Francis Alÿs, Pierrick Sorin – développent, en effet, et pour elle-même cette déterritorialisation plasticienne voire la plasticité de la déterritorialisation.
Thierry Davila (né en 1963) a étudié la philosophie aux universités de Toulouse-le-Mirail et de Paris IV Sorbonne. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, il est docteur en histoire de l’art de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales et a été directeur adjoint du musée Picasso d’Antibes, directeur par intérim des musées d’Antibes de 1996 à 2001, responsable du département culturel du musée d’Art contemporain de Bordeaux de 2001 à 2007 et conservateur au Mamco de 2008 à 2022. Il collabore régulièrement à Art Press, aux Cahiers du musée national d’Art moderne, à Critique d’art. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’art contemporain (l’Art médecine (en collaboration avec Maurice Fréchuret), RMN, 1999 ; Marcher, créer. Déplacements, flâneries, dérives dans l’art de la fin du XXe siècle, Éditions du Regard, 2002 et 2010 ; In extremis. Essais sur l’art et ses déterritorialisations depuis 1960, La Lettre volée, 2009 ; De l’inframince. Brève histoire de l’imperceptible de Marcel Duchamp à nos jours, Éditions du Regard, 2010 et 2019) ; Uniques. Cahiers écrits, dessinés, inimprimés (en collaboration avec Jacques Berchtold, Nicolas Ducimetière et Christophe Imperiali), Flammarion, 2018. Thierry Davila est l’éditeur, avec Pierre Sauvanet, aux Presses du réel, du recueil Devant les images. Penser l’art et l’histoire avec Georges Didi-Huberman.