En écrivant ce journal d’un incapable, Alain Dantinne tente une ultime renaissance, face à un père qui l’a jusqu’ici empêché de naître et dont il assiste à l’agonie. C’est ce rapprochement douloureux au seuil de la mort que ce journal décrit, du 29 octobre au 20 avril. Un rapprochement fait de silences opaques. Les mots d’un rejet trop longtemps subi ne parviennent pas à faire place à ceux d’une réconciliation pourtant désirée de part et d’autre. Reste l’écriture, cet « aveu de faillite » porté sur le papier. Écrire ce journal pour en finir avec certains recoins de l’enfance, arracher le chiendent, extirper ronces et chardons jusqu’à la racine. Au travers de ses notes douloureuses, Alain Dantinne vit son propre accouchement à côté d’un père que la vie va quitter sans que ce rapprochement physique n’ait pu dénouer les incompréhensions entre deux êtres souffrant sans doute d’un même manque d’amour. Le journal d’un incapable, en tout cas, fait preuve de la capacité de son auteur à exprimer sans retenue cette rencontre ratée. Et ce livre aura constitué pour lui une évidente nécessité.
Alain Dantinne est un bouffeur de continents. Il découvre à seize ans les textes d’Achille Chavée, il ne s’en remettra jamais. La lecture de poètes tels Michaux et Cendrars l’emmène dans l’écriture du voyage. Guillevic et Char lui apprennent la rugosité du monde, Genet et Moreau, celle des frères humains. Aujourd’hui, il vole maladroitement de ses propres ailes ; il enseigne aussi, la philosophie dans des milieux huppés, le doute et l’étonnement ailleurs. Il commet des pastiches, et l’assume. Il n’a toujours pas lâché son dernier mot.