Ce livre est le rassemblement – opéré par l’auteur lui-même au sein d’un gigantesque journal intime qu’il tient depuis plus de quarante ans – de tous les fragments concernant le désir d’écriture et son assouvissement.

Il y a quelques années, une enquête sur les pratiques culturelles des Français et des Françaises a établi que plusieurs millions d’entre eux – et surtout d’entre elles – s’adonnent ou se sont adonnés à l’écriture personnelle. A ceux-là et à tous ceux que l’écriture concerne, ce Journal d’une graphomanie s’offre comme un livre irremplaçable.

Journal de recherche, peut-être, mais construit par soustraction, en prélevant dans une montagne d’écriture intime ce qui concerne le thème de la recherche elle-même. Autrement dit, ce livre n’a pas été pensé ni écrit comme tel. C’est ainsi qu’il faut comprendre, voire excuser, ses excès d’ambition, ses démonstrations d’humilité, et surtout ses récurrences, car malgré la mobilité de son esprit, l’auteur revient inlassablement sur certaines idées sensibles ou maniaques pour les creuser encore, ou pour s’en donner l’illusion, en tout cas pour être certain d’être allé le plus loin possible.

Quant au fond de l’ouvrage, il est le récit des aventures mentales d’un graphomane à la recherche de sa graphomanie. Recherche un peu fastidieuse par ses obsessions monocolores, recherche pragmatique variant ses points d’appui. L’intérêt est soutenu par le grain serré du texte, la rumination précautionneuse de la substance, la vivacité foudroyante de certaines formules. Est-on jamais allé aussi loin dans le vertige spéculaire ?