• Sous-titre: La Vie anthologique et névrotique du dernier Mangbetu
  • Auteur(s): Philippe Pratx
  • Éditeur: Le Coudrier
  • Genre: Poésie
  • Péritexte: Ill. d'Odona Bernard. Préface de Jean-Michel Aubevert
  • Format: 14 x 20 cm
  • Nombre de pages: 158 pages
  • ISBN: 978-2-39052-022-1
  • Parution: Setptembre 2021
  • Prix: 20 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Autodistribué (Belgique). Librairie Wallonie-Bruxelles (France).

L’enfer vert des colons fut le giron vivace des oralités, d’une foison de vies tenaces. Au « savoir-vivre » du Blanc, à sa courtisanerie, s’oppose la légitimité du natif et c’est encore au défi de la mort que l’on sursaute à se sentir vivant sous la cape du magicien. On touche par l’écriture à des rivages où se transcendent les naufrages sur des fonds océaniques, à des déferlements dont la phrase longue répercute la vague. C’est d’un « cerveau travaillé par le rêve » que l’auteur prétend nous ouvrir les sésames comme d’un Pierrot à l’âme lunatique, pétrie d’ancêtres non moins neptuniens.
Enfin, des multiples enfances qu’il s’octroie, au terme d’un livre habité, tantôt hanté, il renaît de sa maison et de sa lignée en conteur, lui-même mythique. Il se veut à la fois, de par ses ancêtres et son inscription dans l’humanité, transgénérationnel, cosmopolite et cosmique.
Plus que tout, l’auteur semble appréhender le racornissement des vies confinées. Au terme de l’ouvrage, comme à la conclusion d’un éternel retour, se rouvre la forêt native, tout à la fois demeure livresque et expression d’une vie intérieure renouvelée.
« C’est donc dans la forêt que j’ai décidé de construire ma maison, vaste tronc creux, et mon jardin ».
Point de fin sinon l’éternel retour dans l’ouvert :

Ayant fait mien ce dernier poème :
Ma maison quand même
cernée du cri des cigales
est restée ouverte

Extrait

Si j’étais le héros d’un livre, juste avant d’y entrer je revêtirais un costume voyant, rouge ou jaune, ou bien je me fondrais dans la foule pour, un temps, y passer inaperçu ; je me serais fait forger par les dieux, comme dans l’Iliade, une âme bien trempée, ou à défaut un de ces esprits pittoresques jusque dans leur insignifiance ou leur pusillanimité ; j’aurais dans des tonneaux de plomb des réserves confortables de morceaux choisis, de corps interchangeables, d’entourages, de situations, de maîtresses, de souvenirs à faire pâlir les griots, de paroles en l’air…

Mais c’est une fin de siècle, d’un siècle futur, il y a beau temps que les livres sont morts, et l’univers malade des vivants est une plaie qui se referme ; ses rives rejointes, ses lèvres retournées au silence referont une chair lisse et vierge, guérie de nous. Cela sentira l’éternelle paix du vide.

Laquelle de mes enfances dirai-je pour vous faire croire à ma vie et, de là, vous entraîner dans sa mémoire et ses folies ? J’ai probablement vécu, donc, une enfance quelconque et heureuse sur les bords de la rivière Bomokandi, où passaient les îles flottantes des jacinthes d’eau, entre les dos immobiles et bedonnants des hippopotames.

Nous devions rester une poignée de survivants de ma tribu, le peuple guerrier des Mangbetu…