Lorsque les colères des événements historiques rejoignent celles, plus personnelles ou plus intimes, d’une existence rompue par ce qui l’inonde, le poème découvre son parcours, trace son évidence, laisse entrevoir ce qui le porte loin devant. Pour donner à ces réalités assaillantes, Ali Podrimja en appelle au passé de la poésie, et à celui de sa langue ; tout comme aux mythes, aux légendes, aux contes qui habitent cette langue, comme beaucoup d’autres, afin de rendre à l’instant qui s’enflamme la présence du poème retenu au plus fort de l’émotion et de l’expression. Entre l’imagination et les sentiments éprouvés se joue dans ces poésies l’horizon de l’écriture, à la fois son incertitude, sa précision et sa justesse : Mon ombre me triche / parfois durant des heures je ne la / rattrape pas / parfois du tout ne la cerne // Qu’est-ce qui m’arrive mon dieu / qui commence aux ongles et tombe / quelque part / au-delà de l’espace blanc // Je tourne autour de moi-même / mais me méfie de mon ombre / la prend ou la laisse.
Ali Podrimja est né en 1942 à Gjakovë, aux confins du Kosovo et de l’Albanie. Beaucoup reconnaissent en lui le poète le plus marquant de la littérature albanaise contemporaine. Traduit dans plusieurs pays d’Europe, il a obtenu en Allemagne le prix Nikolaus Lenau pour l’année 1999. En 2000, il a publié chez Cheyne éditeur un premier ensemble de ses textes en français sous le titre Défaut de verbe, dans une traduction d’Alexandre Zotos.