• Auteur(s): Dražen Katunarić
  • Éditeur: M.E.O.
  • Genre: Architecture Urbanisme
  • Péritexte: Traduit du croate par Gérard Adam, Saša Sirovec et Zlatko Wurzberg
  • Format: 14.8 x 21 cm
  • Nombre de pages: 192 pages
  • ISBN: 978-2-8070-0125-1
  • Parution: 2017
  • Prix: 17 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Pollen

Nous promenant de Notre-Dame de Paris au carnaval de Venise en passant par les lisières du Sahara, Strasbourg, la Provence, l’œuvre de Hugo, la Rue des Crocodiles de Bruno Schulz ou le gigantesque ennui dans les sociétés communistes, l’auteur nous fait réfléchir sur la disparition du sacré dans l’architecture contemporaine sans que pour autant l’humain y trouve satisfaction.

Philosophe et poète, Dražen Katunarić part de ce constat : le progrès n’est plus un arrachement à la tradition, il est notre tradition même. Il ne résulte plus d’une décision, il vit sa vie, automatique et autonome. Il n’est plus maîtrisé, il est compulsif. Il n’est plus prométhéen, il est irrépressible. Nous sommes soumis à la loi du changement comme nos ancêtres pouvaient l’être à la loi immuable. En tout domaine ou presque, l’obsolescence a eu raison de la permanence. Il n’y a donc pas de mérite particulier à faire bouger les choses, car elles se passent très bien de nous pour cela. Ça déménage avant même que nous songions à lever le petit doigt.
Et si – de la pentapole du M’Zab à la maison de Wittgenstein – l’architecture occupe une place centrale dans ce livre somptueusement écrit, c’est parce qu’il importe désormais non d’accompagner le mouvement mais de faire un pas de côté et de réapprendre à habiter le monde.

— Alain Finkielkraut

Extrait
Il me semble que je n’ai commencé à comprendre l’importance de la Renaissance pour l’esprit humain qu’après m’être rendu dans des villes pittoresques de la porte du Sahara, dans la pentapole du M’Zab, qui vivent littéralement en l’an 1300 et quelques, d’après le calendrier arabe. Là-bas, c’est toujours le Moyen Âge dans le sens européen du théocentrisme, mais sans les signes avant-coureurs de la Renaissance que cette région n’a pas connue et ne connaîtra probablement jamais. Aussi, faut-il saisir l’occasion de comprendre ici, aujourd’hui, ce qui existait, mutatis mutandis, chez nous autrefois, essayer au moins de deviner les contours de la vie dans ses traits essentiels, ne pas chercher les Lumières par un retour en arrière, ne pas reconstruire les traces dans la pensée, mais voir, avoir une perception sensible, afin de saisir le sens de ce qui suivra.
Ce n’est pas ma méthode, mais le hasard qui m’a conduit en ce lieu où je me suis senti profondément plongé dans le Moyen Âge, bien que la religion ne soit pas la même. L’islam, qui règne ici dans sa version ibadite, a constitué une médiation dans la traduction et la diffusion de la philosophie grecque sans laquelle la Renaissance européenne n’aurait probablement pas pu se produire. Je ne me suis donc pas égaré ici par hasard : il y a, entre les choses, une concordance lorsqu’on s’y attend le moins.
Si je ne m’étais pas rendu dans la pentapole saharienne, je n’aurais pas pu savoir, par exemple, que l’unique œuvre de Le Corbusier que j’avais appréciée, justement parce qu’elle diffère de toutes ses autres constructions, à savoir la chapelle de Ronchamp, est un pur faux, une plate copie – quant à la forme – de la jolie petite mosquée Sidi Brahim d’El Atteuf, la plus ancienne ville de la confédération saharienne. Malheureusement, c’est un fait que ne mentionne aucun de ces livres ou monographies qui glorifient et louent cette œuvre de Le Corbusier, voire la citent parmi les sommets de l’architecture moderne.