Il y a dans la parole analysante une forme d’inertie et de polarisation qui se répète et que l’expérience d’une psychanalyse rend incandescente. Il est alors légitime de se demander s’il est possible d’y introduire du nouveau. La référence que Lacan fait à Francis Ponge éclaire ce que serait un nouvel usage des mots, usage qui permettrait de rejoindre de temps en temps ce qu’il y a de réel, d’insensé et d’ininterprétable dans toute parole. Ponge, dans un texte qui s’intitule « Hélion », aborde cette question en faisant entrer son lecteur dans l’atelier du peintre Jean Hélion. Tout est fait dans ce texte pour suggérer une œuvre dont le mode d’engendrement passe par une mise en cause permanente de la figuration. Ponge ne décrit pas les tableaux d’Hélion, il les écrit. Il fait passer dans la langue l’indécidable qui les habite. Il introduit dans le sens que nous leur donnons un « je-ne-sais-pas-quoi » qui le transperce.
Pierre Malengreau, psychanalyste à Bruxelles, membre de l’École de la cause freudienne et de l’Association mondiale de psychanalyse, est l’auteur de la Práctica psicoanalítica y su orientación (Gredos, 2013) et coauteur de Ce qui est opérant dans la cure (Érès, prix Œdipe 2008).