Dans ses romans comme dans ses essais, Gilles Sebhan s’inspire de sa propre existence et de ses passions. Il nous fait partager ses univers, sociologique et sexuel, sans fausse pudeur, tout autant que ses questionnements les plus intimes, qu’il sait aborder avec une lucidité foudroyante, n’hésitant jamais à s’interroger sur sa propre souffrance, ni sur son éventuelle « culpabilité ».
Dans la Semaine des martyrs, le voici obsédé par une histoire d’amour avec Mohamed, un jeune et intrigant chauffeur de taxi du Caire, qui va mystérieusement disparaître de sa vie, alors qu’il se retrouve avec son ami photographe (Denis), sans en prendre encore réellement la mesure, plongé au cœur d’un événement historique majeur que les médias appelleront « la révolution égyptienne ». Près d’un millier de jeunes révoltés, baptisés ensuite les martyrs, seront tués au cours de ces journées de janvier 2011 sur ordre de Moubarak.
Ce roman mêle avec efficacité les histoires des uns et des autres, et celle du narrateur amoureux, à la grande Histoire. Sebhan écrit au plus près de la chair, des désirs ou des répulsions, son récit est à hauteur d’homme. Avant même que l’on parle de révolution, il sait voir dans les situations, les visages, dans des jeux d’enfants pauvres sur la crête d’un mur, tombant d’un côté ou de l’autre, mais souvent de celui des ghettos où l’on cache la misère, les prémices de l’espoir comme les signes de la tragédie.