Anne-Marie Derèse peut paraître excessive. C’est qu’elle est poétesse des âpretés. Lyrique, elle veut nous communiquer les émotions qui l’animent à mesure qu’elles s’impriment dans le texte. Héroïque, elle trouve son apaisement dans des paroxysmes dont elle nous tend le miroir intime. A travers l’oxymore, elle cultive l’intensité. Elle veut mordre dans le fruit, fût-il défendu, que s’en dégoupille le jus, vie et mort voluptueusement. Dans l’orange amère, elle nous invite à la douceur étrange. Elle convoque un homme à la célébration de la morte, qu’il sombre dans la tentation de la rejoindre, qu’il s’en fasse l’ombre à force de vouloir y faire corps. Tant la défunte fut aimée, vivante éminente, qu’une âme s’était livrée, qu’embuaient les nuées, immortelle mortelle. Prêtresse, la poétesse frôle le fantastique comme au toucher du son, la chauve-souris déplie les contours des humidités secrètes.
Plus que jamais mystérieuse, sa plume, retrempée dans l’urne nocturne, nous invite à partager avec elle sa crypte dans l’addiction à la Tentation. Son écriture nous conte la volupté des blessures qui fascinent un cœur, Orphée féminin.
Extrait de la préface de Jean-Michel Aubevert
Extrait
Thérèse, Théra
Ton corps flotte en apesanteur,
ton corps de marbre se teinte de rose.
Ma langue retrouve ton odeur de fleur.
Ton odeur de fruits et d’algues.
Le jour a déserté la crypte.
Les feuilles bruissent dans leur sommeil,
les arbres sont les cierges de l’amour,
les branches s’accouplent pour une oraison de nuit.
Mes mains cherchent la vallée des épices.
Thérèse en voile de vie, en plumes de cygne
s’ouvre tel un orage d’été.
Les cymbales assourdissent les signes.
Un frisson parcourt la douceur des lys.
Nous voici suspendus dans les grottes
mouillées de nos muqueuses.
Sous mes doigts ta chair se creuse.
Nos instruments des délices réveilleront le cri.