Fondamentalement différente des processus machinés, la poésie repose sur un danger assumé: elle met en œuvre un travail vivant qui s’ancre d’abord dans la faculté d’un homme — le poète — à éprouver une matière — le langage — pour en faire émaner de nouvelles potentialités de sens insoupçonnées, tels des ferments de vie. En cela, ce recueil atteste d’une âme. Car la poésie n’est possible que dans la subjectivité absolue de l’écrivain, qui prend le risque d’exposer sa propre sensibilité aux mots, aux sonorités, aux rythmes de sa langue, et sa propension à les considérer comme des chances de générer des sens inédits. Il n’y a pas de poésie sans l’émotion d’un homme, tous sens en éveil, qui témoigne dans ses vers d’une expérience intime: dire comment, pour lui, l’acte même de se mettre en pleine disponibilité au langage, à l’écoute de ses possibles, a produit l’intensification de sa propre vie.
Cette âme n’est aucunement dissociable d’un corps, d’une oreille aux aguets et d’une main qui traduit les sensations en écriture. La poésie est une sensualité du poète envers le génie de la langue, non pas d’abord instrument d’une pensée objective, mais lieu d’une intense présence sensorielle.
Elle est une délectation, une joie intérieure qui surgit et rayonne.
— Extrait de la préface de Myriam Watthee-Delmotte.
Extrait
Le grain secret du poème
l’âme de la main le sème
avant le râteau des rimes.
La poésie est beauté bleue
sur la croisée de la fenêtre
l’âme mésange de la main.