• Auteur(s): Daniel Soil
  • Éditeur: M.E.O.
  • Genre: Roman
  • Péritexte: Préface de Gilbert Naccache
  • Format: 14.8 x 21 cm
  • Nombre de pages: 160 pages
  • ISBN: 978-2-8070-0207-4
  • Parution: 2019
  • Prix: 15 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Pollen

L’Avenue, c’est la grande artère qui traverse Tunis, de la mer à la médina. C’est là que, de tout temps, se sont retrouvés les gens en colère. La Kasbah, c’est la vaste esplanade au centre des Ministères, qui a remplacé un quartier populaire jugé trop vétuste par les autorités : il ne donnait pas une image assez valorisante d’un pays si neuf, si fier de son indépendance. C’est entre ces deux lieux emblématiques que s’est joué le bouleversement de janvier 2011, dont Daniel Soil a été le témoin. Il y a été, avant, pendant et après, ébahi par l’audace des révoltés de ce premier « Printemps arabe », fou de sympathie envers ces Tunisiens mêlés, jeunes et vieux, urbains et campagnards. Le romancier n’a pas eu de peine à y faire naître un amour, révolutionnaire lui aussi à force de se nourrir du mouvement social, de sa beauté, de son inventivité.

Comme cela se produit quelquefois, c’est le regard d’un étranger de passage, tombé amoureux du pays et de ses habitants, qui va dire le premier que la révolution, suprême transgression de l’ordre social, réintroduit l’amour, le possible et l’improbable, avec la poésie qui remplit le cœur de ceux qui se battent pour changer la vie.
— Gilbert Naccache, extrait de la préface.

Extrait
Paraît qu’il n’y a plus de pâtes, plus de riz. Il nous reste le soleil coutumier, offrant ses rayons festifs à nos corps fourbus, et la fréquentation d’un peuple uni, ivre de bravoure, de force retrouvée. Le délice de pouvoir murmurer à l’oreille d’Elie, connaître la douceur de nos jambes quand elles se frôlent, croiser son regard, caresser ses lèvres du doigt. Je découvre sa chambre, le lit, la table, qui me donne l’idée de me glisser dessous, face à lui quand il travaillera, venir le distraire, lui mon cinéaste lutin et juvénile. Se rappelle-t-il le jour où – c’était il y a trois semaines, une autre époque ! – nous nous tenions par la taille dans la médina ? Un type en kamis nous a accostés : « Un peu de tenue tout de même, vous êtes au pied d’une mosquée ! ». Ah bon, ai-je répondu, eh bien on va y entrer pour s’aimer loin des regards indiscrets, merci de nous donner l’idée ! Nous ne l’avons pas fait, ce n’est pas possible, Elie n’est pas musulman, mais j’étais tellement ulcérée par l’attitude de mon coreligionnaire incapable de voir ce qu’il y avait de pur dans notre proximité que j’ai entraîné Elie vers un lieu relevant de son monde à lui, l’église anglicane, rue Mongi Slim, où nous n’avons eu aucun mal à entrer, moi portée par une curiosité pour tout ce qui requiert mon amoureux. Les lieux sacrés – lieux de paix, lieux d’amour – nous conviennent, c’est sûr, alors soyons successivement soufis et protestants ! Assis sur un banc au milieu du temple, face à une croix toute simple, découvrant la maxime inscrite en lettres d’or sur un médaillon, May the Lord hold you in the hollow of His Hand, nous nous sommes embrassés et ce baiser se révéla plus fort encore que d’habitude. Et comme souvent, Elie a ponctué d’un rauque Aïn sbaâ, « source de la panthère. »