…J’allai valdinguer contre une poubelle au bord du trottoir. J’eus juste le temps d’entendre le rire gras de la dame aux gros seins, puis la porte du lupanar claqua derrière moi. J’étais à la rue et je n’avais trouvé personne qui pût me parler de Johnson. Exactement comme s’il n’avait jamais existé.
Désabusé, je fis quelques pas au hasard à travers la ville. J’allais me résoudre à regagner mon hôtel, quand soudain j’entendis les paroles d’une chanson. Je tendis l’oreille. Colportées par une brise capricieuse, quelques paroles éparses d’un blues langoureux voguèrent jusqu’à moi. Il y était question d’un pèlerin parti en quête de Dieu et qui, en cours de route, avait rencontré une femme, c’est-à-dire le démon. Je fis un effort de concentration dans l’espoir de comprendre la suite, mais le vent tourna et les mots se perdirent entre les toits des maisons.
Un groupe de jeunes Noirs passèrent devant moi. Tout en discutant avec animation, ils empruntèrent une ruelle. Je les vis s’arrêter devant une façade en planches surmontées de panneaux de couleurs vives. Ils semblèrent hésiter, puis se décidèrent et entrèrent tous ensemble dans le bâtiment. Au moment où ils poussaient la porte, la voix rocailleuse qui chantait le blues se déversa au dehors. Puis ils disparurent à l’intérieur et d’un seul coup, la musique s’évanouit.