Salué avec grand enthousiasme à sa parution en 2001 par le public comme par la critique, l’Épinard de Yukiko est une œuvre à la fois inclassable et immédiatement reconnaissable. Ces deux charmes n’ont aujourd’hui rien perdu de leur force. L’histoire est simple, mais d’une intensité et d’une tendresse peu communes : la rencontre entre un auteur français de bande dessinée, installé à Tokyo, et Yukiko, une jeune Japonaise avec qui il vit une parenthèse amoureuse et érotique.

L’usage de la vidéo, dont Frédéric Boilet se sert comme croquis, et l’attention portée aux plus petits détails de la vie quotidienne, à l’image de l’un des grands apports de la Nouvelle Vague à l’imaginaire cinématographique, donnent à cette histoire une profondeur et une justesse sans équivalent dans le monde de la bande dessinée. L’Épinard de Yukiko relate l’émergence d’une impossible passion (Yukiko aime un autre homme, qu’elle attend) au cœur d’un monde saisi de façon à la fois précise et rêveuse. Ce mélange des contraires se retrouve partout : Boilet rapproche bande dessinée et manga, il dessine en faisant du cinéma, fusionne l’Est et l’Ouest, invente une temporalité nouvelle, entre durée et fulgurance, et implique ses lecteurs dans un dialogue qui dépasse les frontières entre l’art et la vie.

Prépublié au Japon d’avril 2000 à juillet 2001 dans les pages de Furansugo Kaiwa, le mensuel de l’émission télévisée d’apprentissage du français Furansugo Kōza de la chaîne publique NHK, l’Épinard de Yukiko paraissait en album à l’automne 2001, simultanément en français chez Ego comme X et en japonais chez Ohta Shuppan. Publié depuis en sept autres langues, dont l’anglais et le chinois traditionnel, cet ouvrage clé dans l’œuvre de Frédéric Boilet reparaît seize ans plus tard en français aux Impressions Nouvelles, pour la première fois dans sa version originale sous-titrée en japonais. Entièrement revisitée par l’auteur, cette édition est complétée de huit planches supplémentaires et d’une conclusion en forme d’esquisses.