Le Nord de la France dans les années 1970. Gérard Bissem, obscur journaliste au Quotidien du Nord, récolte avec bienveillance des tranches de vie de gens ordinaires, qui se prennent des coups sur un chemin pas toujours large, pas toujours droit. Ils se rebiffent ou s’en arrangent, se dépatouillent comme ils peuvent, osent à peine espérer que leurs rêves y trouvent une place, aussi modeste soit-elle.
À travers les chroniques d’un obscur journaliste se révèlent les vies de gens pas si ordinaires que ça.
Extrait
C’est en page 4 du Quotidien du Nord. Sous le titre, la photo d’une voiture sur le toit et et l’article de Gérard Bissem, correspondant du journal, mentionnant l’embardée, les tonneaux, le véhicule qui glisse inexorablement vers l’étendue d’eau en contrebas (dix centimètres de profondeur, rien de plus qu’une mare, a cru devoir ajouter le journaliste). Il termine par l’hypothèse que ses deux occupants, inconscients suite au choc, sont morts noyés dans ces dix centimètres d’eau.
Tu aurais voulu que cette histoire soit juste un fait divers qui ne te concerne pas. Mais voilà, cette voiture est la Taunus que tu viens d’acheter à crédit, Sophie Fournier est la femme avec qui tu partageais ta vie et Ernest Stas, tout en étant un parfait inconnu, fait de toi un cocu magnifique.
Le journaliste regarde l’homme, il se racle la gorge. […] L’homme baisse la tête.
– J’ai été porter plainte à la police, mais ils ne m’ont pas écouté. […] C’est grave, pourtant, ce que je leur ai dit : mensonge, abus de confiance, manipulation.
L’homme s’anime à nouveau.
– Ça vaut bien une semaine de cachot pour chaque, vous ne trouvez pas ? J’ai dit qu’ils devaient m’enfermer pour minimum trois semaines, ils pouvaient le faire tout de suite, j’avais pris mes affaires. Mais ils m’ont dit de rentrer chez moi parce que ma demande était irrecevable. Irrecevable, vous entendez ? Une honte !