• Auteur(s): Françoise Delmez
  • Éditeur: Traverse / Carambole
  • Genre: Récit
  • Péritexte: Ill. de Claire Ducène. Préface d'Olivier Terwagne
  • Format: 13.5 x 20.5 cm
  • Nombre de pages: 82 pages
  • ISBN: 978-2-93078-329-1
  • Parution: 2018
  • Prix: 14 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Autodistribué.

En 2017, Claire Ducène et Françoise Delmez ouvrent une caisse contenant les souvenirs d’une croisière effectuée en 1929 par Léon Losseau sur les mers de Norvège. En 2018, elles s’envolent pour Oslo, gagnent Bergen en train et embarquent sur un navire en direction du nord et de la frontière russe. Durant leur périple, elles tâchent, en suivant les traces presque effacées des pas de Léon Losseau, de retrouver la source des émotions ressenties lors de l’ouverture de la caisse. Françoise Delmez révèle aujourd’hui le journal fragmentaire de cette aventure, par-delà les genres, le temps et l’espace.

Le travail effectué par l’artiste plasticienne Claire Ducène à partir des archives de Léon Losseau a donné lieu à une exposition, « Croisière au cercle polaire. Été 1929 », qui s’est tenue à la Maison Losseau, à l’initiative du secteur Littérature de la Province de Hainaut et de la Fondation Losseau, de septembre 2018 à mars 2019.

 
Extrait

Oslo traverse sa phase liquide. Les blocs d’immeubles se succèdent au gré des rues semblables de cette capitale dépourvue de centre, et se confondent en mélancolie. Au milieu des bâtiments gris basalte ou rouge sang vicié, j’ouvre la bouche pour happer l’océan.
Où est la citadelle du roi Håkon ? Où est l’Oslofjord ? Où sont tous les trois-mâts que l’on m’avait décrits ?
En face de la Bibliothèque nationale, j’ai vu un arbre noir au tronc étincelant.
Dans la cour de l’immeuble de la rue Kerkeien, j’ai observé deux choucas des tours bondissant sur les derniers monticules de neige et semblant rire aux éclats.
C’est soir de vernissage dans la gale- rie d’art du bloc TQ, appartement 2833, perdue au milieu des bureaux et des établissements financiers. Tandis que le public circule devant les œuvres, certains tenant à la main un verre ovoïde rempli d’eau à un tiers, d’autres une coupe d’un vin effervescent dont j’ignore le nom, je m’assieds, en proie à une fièvre violente, sur un petit divan de cuir installé dans l’entrée. Fixées à leur cadre par des aimants, deux photographies de Stig Marlon Weston attirent mon regard. Elles représentent des taches d’eau et de lumière dans la nuit norvégienne.

***

Il faut sept heures au train de la NSB pour rallier Bergen depuis Oslo. Il traverse le pays dans toute sa largeur. C’est la Norvège intérieure que l’on découvre, celle des fermes isolées, des terres escarpées plantées de sapins (troncs noirs) et de bouleaux (troncs blancs). À 1 237 mètres d’altitude, on atteint le plateau de Hardangervidda, intégralement situé au-delà de la limite des arbres. Ici, il y a seulement de la neige. La plupart du temps, il est impossible de distinguer où commence le ciel. Quelques rochers, parfois, affleurent, et des rangées de poteaux noirs défilent à toute vitesse, avant que nous soyons brusquement replongés dans ce lac de lait glacé. On entre dans un tunnel ; c’est la nuit ; puis la lumière nous saisit à nouveau. L’impression qui me reste du voyage est celle d’une succession de tableaux monochromes (noir/blanc). À Bergen, la vie paraît plus douce.