Journaliste à la radio et à la télévision belge, Christian Bussy a réalisé d’innombrables émissions radiophoniques et documentaires télévisés à la RTBF. Auteur de l’Anthologie du surréalisme en Belgique (Gallimard, 1971), il a surtout enregistré et filmé les écrivains les plus remarquables et souvent les plus rares, d’Aragon à Paulhan, de Queneau à Dali, de Mauriac à Leiris, de Julien Gracq à Nathalie Barney. Un autre de ses titres de gloire est d’avoir été le seul à filmer Cioran pour la télévision, en 1973.

Assez naturellement, il en vint à s’intéresser aux surréalistes, à les rencontrer, puis à les faire connaître à travers de nombreuses émissions de radio et de télévision. Subjugué par les personnalités fortes des écrivains et des artistes qu’il avait en face de lui (Magritte, Scutenaire et particulièrement Marcel Mariën), il devint ensuite pour plusieurs d’entre eux un ami généreux de son temps et de son talent, toujours prêt à mettre la main à la pâte, d’abord bien évidemment pour réaliser des entretiens filmés, mais aussi pour l’organisation d’expositions, les démarches auprès d’éditeurs pour défendre un manuscrit, la négociation de pièces rares auprès de collectionneurs. Bref, il fut partie prenante de mille événements liés à l’activité de ceux qui, de son propre avis, devaient changer sa vie.

S’il ne prétend pas proposer une nouvelle histoire du surréalisme, ce livre s’attache aux mille petits faits vrais qui ont constitué la vie des surréalistes belges depuis la création des premiers groupes dans les années 20. Cependant, à travers l’évocation des surréalistes belges au quotidien, c’est un tout autre surréalisme que Christian Bussy fait émerger. Réduit à tort à la seule figure de Magritte, le surréalisme belge se distingue du surréalisme de Breton sur des points tout à fait essentiels, artistiques aussi bien que politiques. A la différence des auteurs français, les surréalistes belges ne poursuivaient nullement l’irruption de l’inconscient ou la surprise de l’objet trouvé. Construisant méticuleusement des objets qu’ils voulaient bouleversants, ils aspiraient à une révolution tellement radicale qu’ils ne pouvaient la vivre qu’en marge de la société, loin de tout réformisme superficiel. Le surréalisme belge s’impose aussi comme une entreprise beaucoup plus collective qu’en France, où la collaboration entre auteurs reste relativement discrète. Le domaine où excelle le surréalisme belge est celui de l’invention collective (pour citer le titre d’une de leurs revues). Enfin, le surréalisme en Belgique ne s’est jamais embourgeoisé, il a su conserver jusqu’à nos jours un mordant et une inventivité que le surréalisme a vite perdus ailleurs. L’exemple des artistes-agitateurs que fait revivre Christian Bussy, montre qu’il est grand temps de récrire l’histoire du surréalisme même.