Je me plais à imaginer comment vos doigts
décachetteront ce pli. À hasarder pour
celui-ci d’hypothétiques traversées – d’un
bord à l’autre de ce temps guéable qui nous
sépare. J’écris pour approcher votre regard,
pour le circonscrire dans un tourbillon de
mots à la dérive. J’écris au fond de vos yeux,
à même l’embu de leurs images érodées,
de réminiscences, de rires en miettes. Un
lointain caressant se ranime. Vous lisez, et
je vous vois entre les lignes, portée par la
vague, comme troublée par un profond
remuement sous la langue. À telle distance
qu’hier et demain se chevauchent, mêlent
leurs ondes à votre absence, et que tout le
silence – le vôtre – tient dans le creux de
la main. Je viens y boire avant de refermer
cette lettre, non sans glisser dans l’enveloppe
un dernier signe d’eau vive.