L’Ivresse des livres célèbre la littérature dans tous ses états. Les douze histoires composant ce recueil mêlent réel et imaginaire, comme aime à le faire l’auteur. On y retrouve ce mélange de gravité et d’ironie douce qu’évoquait à son propos Jean-Marie Gustave Le Clézio.
Chacune des nouvelles explore les facultés – parfois inattendues – de la lecture, célébrant les lieux où elle se déploie, bibliothèques, librairies, évoquant aussi les menaces qui pèsent sur la littérature comme instrument de la liberté d’expression.
La réédition de ce livre accompagne la sortie d’un court métrage adapté d’une de ses nouvelles, Nagra, réalisé par Philippe Reypens avec, dans le rôle-titre, Fabrizio Rongione.

Extrait

La librairie, ce soir-là, ne ferma pas ses portes. Toute la nuit, l’enseigne projeta sur l’avenue sa lumière bleutée. Un visiteur, s’il avait regardé à travers la vitrine, aurait vu les jeunes gens assis entre deux montagnes de livres ouverts. À tel moment, c’était au jeune homme de lire. Puis il reposait l’ouvrage sur son tas. À la jeune femme à présent de prendre un volume et de le lire à voix haute. Il régnait un désordre fébrile. Les rayonnages étaient vides. Les tables, pareil. Les volumes ouverts constituaient des dunes à l’abri desquelles les lecteurs s’abritaient de la nuit.
Nos visages se rapprochaient. Nous étions allongés l’un contre l’autre. La lecture à haute voix s’était muée en murmure. La jeune fille caressa mon visage. Elle se tourna vers moi, s’appuya sur le coude, m’embrassa.
« Viens, je vais te montrer l’enfer… »
Elle sourit à la fois de sa proposition et de la perplexité que je ne pouvais dissimuler. L’enfer ! Alors que j’étais au paradis ?
« C’est un enfer un peu particulier, que l’on ne trouve que dans les bibliothèques et les librairies. »