Dans la mythologie des Antilles, dans ce sacré recomposé où bestiaire fantastique et figures tutélaires des Ancêtres se côtoient, le mythème de Man Dlo occupe une place à part. Héritées des Afriques originelles, génies des forêts et des eaux, êtres surnaturels protecteurs et pourvoyeurs de grandes consciences, les Man Dlo sont Femmes. Cette féminité les rend mères, non seulement de l’ensemble de la communauté, si longue à trouver la densité heureuse de son rassemblement, mais aussi de chaque morceau, chaque arbuste, chaque puissance aquatique – faune ou flore – qui vit au coeur des règnes humides où commence l’immémoriale Vie.
Émile Eadie, physicien mais aussi historien, spécialiste de l’histoire des Antilles, ouvre ici la porte des allégories
et rend un hommage constant, inquiet, questionnant et curieux, au mythe féminin qui sous-tend l’Homme.
L’invention verbale, la constante vigilance à dire qu’il existe une visibilité – et une lisibilité – nègre du monde,
mais aussi la confrontation de cette visibilité, cette lisibilité avec d’autres – Man Dlo ne rencontre-t-elle pas
Gandhi ? – font de ce livre à la fois poétique et mythologique une puissante introduction créole au monde.