Le sentiment de l’exil est un des plus forts qu’on puisse éprouver.
Il change le bonheur en mélancolie, les victoires en doutes et les chagrins en répétition. Il accompagne nos travaux, nos voyages, nos amours, nos relations et leur fait prendre une couleur fictive. Il transforme le présent en futur du passé.
Le sentiment aigu d’être toujours dans la distance, de ne se sentir en phase avec aucune durée, est compatible avec un instinct de bonheur, une sorte d’animalité de l’esprit.
En même temps, ce décalage est propice aux émotions nues. Tout naît de cette dépossession, source de plaisir et de perte à la fois. Elle renouvelle le sens du danger, les joies sèches de la route, les moments d’énergie, les longues périodes d’oubli de soi-même, et les transforme, contre toute attente, en souvenirs miraculeux.
Peut-être l’exil est-il une des voies d’accès à l’imaginaire poétique. Ou peut-être est-ce simplement un autre nom pour dire la poésie.
La poésie invente, ou explore, un monde différent du nôtre : il lui ressemble, c’est la même planète, les mêmes arbres, les mêmes visages. Mais dans le monde jumeau, on éprouve qu’il est possible de vivre. C’est pourquoi l’amour y est si présent.
L’exil et la fin de l’exil se trouvent donc en miroir, dans ce carnet qu’on emporte partout avec soi, ce regard en arrière qui recrée soudain l’unité des images perdues et des pensées promises au bûcher.
Mers intérieures est un ouvrage aux contours multiples, une forme totalisante qui englobe vers et prose, poésie, narration et méditation, pour évoquer à la fois la peur de vivre et la joie de créer.
Luc Dellisse est romancier, poète, essayiste et professeur de scénario. Diplômé en philosophie et lettres de l’université catholique de Louvain, il a exercé plusieurs métiers dans le domaine culturel. Auteur de nombreux scénarios de bande dessinée et de scénarios pour des courts métrages et pour la télévision, il a également publié des essais sur la scénarisation, des romans pour la jeunesse, des pièces de théâtre et des articles de critique, notamment dans les Cahiers de la bande dessinée. Il est l’auteur de deux essais sur le scénario, l’Invention du scénario et l’Atelier du scénariste (Les Impressions Nouvelles). Ses œuvres de fiction s’inscrivent dans un cycle d’autobiographie imaginaire qui comprend à ce jour cinq romans : la Fuite de l’Éden (L’Harmattan, 2004), suivi, aux Impressions Nouvelles, par le Jugement dernier (2007), le Testament belge (2008), le Professeur de scénario (2009) et les Atlantides (2011).