Dans une ville portuaire, on suit le parcours de quelques personnages imprécis en quête de leur être. La ville, qui pourrait être le vrai personnage, a subi la montée des eaux et depuis, a gagné en personnalité. Abondamment illustrés en noir et blanc, les trois volets de cette trilogie tentent de faire émerger une conscience de la confusion et de déployer l’aventure sans logique.

Extrait

Un jour par an cependant, son père prenait une cuite et son grand front brumeux se dégageait en une fois. Tout à coup, après la première bouteille, il devenait souriant, les plis de son visage disparaissaient comme par enchantement sous la caresse d’un fer à repasser et il commençait à chanter de drôles de mélodies tristes et sacrées. Il devenait amène avec Arl, lui parlant tout à coup, l’embrassait, lui apprenait à chanter avec lui ce qu’il appelait du Dhrupad en s’accompagnant d’un petit harmonium asthmatique. Ces soirs, la même joie animait sa mère qui ne pouvait pourtant pas boire d’alcool. Arl la surprenait cependant avec une bouteille bien entamée chaque fois qu’il entrait dans la cuisine sombre où elle leur préparait des plats très spéciaux, faits d’abats de volaille et de mouton. Elle buvait à même la bouteille pour gagner du temps et ne pas se faire prendre par son mari. À mesure qu’avançait la soirée, elle appelait Arl son petit chéri, son enfant.