• Auteur(s): Caroline Coppé
  • Éditeur: Éléments de langage
  • Format: 13 x 20 cm
  • Nombre de pages: 96 pages
  • ISBN: 978-2-930710-09-9
  • Parution: 2016
  • Prix: 14 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Autodistribué (Belgique). Librairie Wallonie-Bruxelles (France).

Nommons le mot nomade, recueil de textes hors norme, à la fois poétiques et théâtraux, allie les impressions issues du monde moderne avec les fulgurances furtives d’une pensée sauvage. Les textes assemblés évoquent des images insolites, décalées, posées sur la vie ordinaire. Quand la pensée nomade vient hanter les sédentaires que nous sommes, l’archaïsme n’est jamais où on le croit ; et la beauté surgit d’un léger déplacement de point de vue ou d’une alliance improbable entre contraires d’apparence.

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Le mode de vie nomade a tendance à disparaître partout dans le monde. Les rares communautés nomades libres de vivre encore comme elles l’entendent sont souvent sommées de se sédentariser dans les pays qu’elles traversent. De nombreuses tribus nomades africaines, aborigènes ou encore amérindiennes sont aujourd’hui complètement rayées du paysage ; soit elles ont été placées sous tutelle en réserve, soit elles ont rejoint les bidonvilles de métropoles à cause de conditions de vie devenues trop dures. Les derniers tziganes européens sont traités comme des pestiférés. Pourtant, avec la disparition de ce mode de vie particulier, ce sont de nombreuses cultures qui s’éteignent, basées souvent sur une association intelligente entre la nature et l’homme. J’ai imaginé dans le texte qui suit que cette pensée nomade, que Claude Lévi-Strauss a nommé « la pensée sauvage1 » revenait nous hanter, nous les sédentaires, nous les citadins :
Les textes proposés ne sont ni de la poésie ni du théâtre, ou alors, ils sont à la fois poétiques et théâtraux. Sans doute sont-ils inclassables. Peut-être pourraient-ils être le point de départ d’une initiative créative ou de débat sur le thème du nomadisme.
Ils tentent d’allier des impressions issues du monde moderne avec les images furtives d’une pensée sauvage ou dépassée. Ainsi, l’archaïsme pénètre progressivement les corps, mais aussi les pensées, de l’homme et la femme narrateurs. Les textes assemblés évoquent des images hors normes, décalées, posées sur la vie ordinaire. Ainsi, une chaise peut être mise en scène pour une répétition avec la mort. D’une page à l’autre, tout se suit dans une cohérence agencée, mais tout flotte aussi dans un espace où le temps n’existe plus, c’est le corps qui passe.

Caroline Coppé

1« … la pensée sauvage qui est présente dans tout homme — contemporain ou ancien, proche ou lointain —tant qu’elle n’a pas été cultivée et domestiquée à des fins de rendement. »

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Extrait

Un homme avec peu d’atouts
Lui
J’ai compris, tardivement dans ma vie d’adulte, que tout le monde ne méritait pas ma sincérité, ni mon authenticité. Cela fut un choc. La sincérité est tellement visible sur un visage. Elle se concentre dans une mimique peu travaillée. Comment, dès lors, la réserver à certains, la cacher à d’autres ?Je me suis alors résigné à dissoudre cette tendance naturelle. J’ai d’abord supprimé les mots, ceux émanant d’un registre trop émotif. Cela fut simple. Mais que faire des mimiques ? J’appris, vaille que vaille, à afficher un visage dépourvu de toute manifestation, je n’ai cessé de m’exercer à la fadeur. Plus de gestuelles, plus de couleurs, peu de mots. J’étais un homme sans gouffre apparent. Je contrôlais mes émotions, totalement. Mon visage, désormais impassible, était de marbre. Mais, du coup, il devint assez inutile. Ne sachant trop qu’en faire, je le réduisis à la plus simple expression. Puis, allant bon train et vu le succès de mon entreprise, j’éliminai d’autres surplus. Par ici un bras, par là une jambe. Ce ne fut guère facile, je le concède. Ce fut même un peu douloureux. Aujourd’hui, je vis avec peu. Quelques haussements d’épaule et encore, seulement si cela s’avère absolument nécessaire.
Je me suis retirée du monde, mais en réalité, ce sont les hommes qui m’ont suspendue et dans cette soustraction abstraite, m’ont oubliée.