• Sous-titre:
  • Auteur(s): Carmelo Virone
  • Éditeur: M.E.O.
  • Genre: Nouvelles Contes Proses brèves
  • Péritexte:
  • Format: 14.8 x 21 cm
  • Nombre de pages: 136 pages
  • ISBN: 9782807005075
  • Parution: Mai 2025
  • Prix: 16 €
  • Disponibilité: Disponible
  • Distribution: Pollen

Nous ne dansons guère qu’entre nous, pas avec les tigres du Bengale, ni avec les branches du saule agitées par le vent, pas plus qu’avec les bandits de grand chemin, les trafiquants de la mer Rouge, les infatigables arpenteurs du désert, les intouchables de nos villes… Et souvent, même le proche nous est étranger.
Les nouvelles rassemblées ici arpentent en finesse des territoires familiers et les relations qui s’y nouent : au sein d’un salon de coiffure, d’un snack marocain ou d’un atelier de couture réunissant des femmes sans papiers, dans une ZAD du côté d’Arlon ou sur une ligne de tram à Bruxelles. Elles nous invitent, avec ironie et légèreté, à découvrir de multiples façons d’habiter le monde, dans l’espace physique comme dans l’imaginaire.

Extrait

J’aime, dans mon tram 82, la pluralité des mondes, les bouts de vie qu’on entrevoit, les histoires inscrites dans les corps, les dérives intérieures, les langues qui se répondent d’un continent à l’autre, venues du Congo, du Maroc, du Brésil ou du Bélize, d’Ithaque ou d’Italie, les discours qui s’entrechoquent, le désir qui perce parfois au détour d’un regard. Gamins qui sortent de l’école, vieilles voisines parties ensemble faire une course en ville, mamans qui tiennent leurs petits par la main, ivrognes qui marmonnent, jeunes filles qui se confient entre filles, en gloussant, multitude de scènes fugaces – comme cette Madame Chapeau avec un très long cou que je vois un jour engueuler une punketje qui gêne son passage, puis vite aller poser son derrière sur un siège en rajustant la floche de son chapeau et en faisant onduler son cou d’avant en arrière. Par le plus grand des hasards, je l’ai revue le lendemain près de la gare. Elle portait le même galurin et parlait avec une autre femme qui lui faisait tout un bazar pour un bouton qui manquait à son paletot.
J’aime cette mosaïque d’histoires où je m’encastre à ma façon. Un homme et une femme se parlent en arabe, et de leurs échanges s’échappent quelques phrases en français, et d’un mot mal prononcé surgit un éclat de poésie : « … mon chat, il va toujours dans le parc en face de chez nous pour faire ses besoins, je n’ai jamais dû acheter de laitière. » Et la voix du vieux Brassens fait alors écho en moi à cette laitière inattendue :

Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gou-goutte à son chat…

Je peux écouter sans vergogne des conversations entières de parfaits inconnus. Il m’arrive même de les enregistrer discrètement avec mon smartphone, juste pour le plaisir, pour capter un petit moment de théâtre quotidien.