Deux personnes, Côme et Viviane, se connaissent d’assez longue date. Il a fréquenté régulièrement les rencontres littéraires dont elle assumait la charge à Bruxelles, à l’époque de leur rencontre. Et ils se sont perdus de vue, comme on dit… Pas tout à fait : Côme a découvert entre-temps Lettres à Poisson d’or du poète Joë Bousquet : un coup de foudre, dont il doit la révélation à Viviane. Commence alors entre eux un échange par lettres, où ils s’interrogent sur l’activité de ce grand poète, la poésie et la vie, sa poésie dans leur vie : une occasion unique donnée à l’un et l’autre d’apprécier la fécondité d’une vision unique de l’amour peu à peu descendue dans leurs existences. Pour rejoindre. Le lecteur ne s’effarouchera pas de son ignorance éventuelle de Bousquet : loin de nuire à sa lecture, cette fausse lacune ne pourra que l’encourager ; si le poète est ainsi fréquemment évoqué entre les personnages, avec lesquels il forme une manière de communauté, c’est seulement au titre des lumières qu’il leur offre pour démêler ensemble les résonances singulières de Lettres à Poisson d’or, écrites pour tous les hommes. On l’aura entendu : ce qui importe ici n’est pas « Le Poète Bousquet », mais bien plutôt la façon dont sa vision de l’amour peut travailler nos vies, les élargir, réinventer l’échange. il pourra arriver, dans les premières lettres surtout, qu’un personnage ne s’adresse à personne, ou même à Joë Bousquet. Manière pour ce personnage de se parler à lui-même, avant que l’adresse peu à peu ne revête un tour plus dynamique. Qui est le lecteur en définitive de cette étrange correspondance, par-dessus l’épaule des deux personnages ? Quiconque a connu dans son être entier l’épreuve du sentiment amoureux.
Thierry Martin-Scherrer a fait des études littéraires et, parallèlement, des études musicales (orgue, puis piano). Principales publications : Dans la maison assiégée (Comp’act, 1999), le Narrateur du poème élémentaire des bords de la nuit (Comp’act, 2000) ; Crayons pour un poème (Dumerchez, 2002) ; le Fantôme de Chopin (Lettres vives, 2005) ; Dans L’exil musical (Encre marine, 2009).