Flâneuse et glaneuse, celle qui avait déjà croqué Le Mokafé si élégamment compose ici pour nous de petits tableaux cubistes qui viennent d’en-deçà du regard. Avec la même matière que nous avions sous les yeux, et que nous avons négligée. Comme nous négligeons les coquillages imparfaits dont d’autres font des bijoux.
L’inconnu que nous avons croisé cet hiver sur la digue, accent marqué, bonnet de guingois, il est là. Je l’avais vu et oublié. L’enfant de l’été, attendrissant et insupportable, qui a reçu une plage entière de sable dans l’œil et réclamera consolation, il est là. Le petit couple tactile qui partage une tasse de café, il est là. Et l’ami disparu, de quelque saison qu’il fût, qui passe ses doigts de vent dans nos cheveux, il est là aussi. Tout ce que nous avons vu et déjà oublié est dans ces pages. Sans romantisme, sans nostalgie, sans interprétation.
Entre deux laisses de mer, Christiane Levêque murmure une gymnopédie inspirée, qui semble s’épuiser au bout de l’estacade, mais qu’une malle en partance reprend, en attendant de rattraper un petit carton bleu signé Flore.
Christiane Levêque réside à Bruxelles. Elle a été professeur de pédagogie durant les quinze dernières années de sa vie d’enseignante. Elle a par ailleurs suivi une formation théâtrale au Centre d’études théâtrales et à la Kleine Academie. Elle est l’auteur de deux pièces de théâtre, de nouvelles, de poèmes et de petites proses poétiques.