Personnalité emblématique du premier romantisme allemand, Novalis en est aussi l’auteur le plus singulier et, à bien des égards, le moins connu. À côté d’une œuvre poétique qui a valeur de « mythe », se déploie une pensée fragmentaire et contradictoire, toujours en mouvement. Cet essai propose de traverser ce chaos théorique, pour en faire émerger les lignes de force esthétiques. Loin d’être ce parfait représentant de la pureté poétique ou de la « religion de l’art », consacré par la tradition, Novalis est surtout le théoricien d’une esthétique infinie et différentielle, postmoderne avant la lettre. En faisant du mélange des formes, de la pratique de l’échantillon, ou encore du rapport entre l’art et la vie des questions décisives, Novalis ruine par avance une certaine métaphysique de l’œuvre absolue et autotélique, généralement attribuée au premier romantisme allemand. À l’image de sa combinatoire encyclopédistique, l’esthétique transversale et mobile de Novalis prend, dans le contexte contemporain du décloisonnement disciplinaire et de la mixité, une actualité et un relief particuliers.
Olivier Schefer, philosophe et écrivain, enseigne l’esthétique à l’université Paris 1. Il est spécialiste de l’œuvre de Novalis dont il a traduit et édité plusieurs manuscrits théoriques et auquel il a consacré des essais (Poésie de l’infini. Novalis et la question esthétique et Résonances du romantisme, tous deux publiés à La Lettre volée). Il est également l’auteur de récits sur l’art et le cinéma de revenants et de fantômes.