« L’Albanie est plus grande que sa terre », écrit le poète Agron Tufa. Il est vrai que dans les Balkans, plus qu’ailleurs, les frontières ne correspondent pas souvent à la réalité des peuples et des langues. On parle albanais en Albanie, bien sûr, au Kosovo (où les albanophones sont largement majoritaires), en Macédoine, au Monténégro, dans certaines vallées du sud de la Serbie, en Tchamourie au nord de la Grèce… Bref, dans ce qu’on désignait autrefois par Arbérie. Ajoutons-y les Arberesh de Calabre, ces Albanais qui ont fui l’empire ottoman aux XVe et XVIe siècles. Il y a, enfin, tous les albanophones de la diaspora, en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, notamment. Ce sont donc des poésies albanaises — leur diversité impose le pluriel — qui se sont construites au cours du siècle dernier. De Migjeni, le père de la poésie albanaise contemporaine, à la jeune poétesse kosovare Iliria na Hoxha, quatre-vingts poètes sont ici rassemblés en version bilingue. Ils présentent un certain nombre de caractéristiques communes : la mémoire des mythes grecs et illyriens, l’amour de la patrie et une faculté de résistance à toutes les formes de dictature.