Après le décès de sa compagne, Christophe, n’ayant pour tout bagage que ses souvenirs, emménage dans une cité. Résolu à n’avoir aucun contact avec les autres habitants, il y mène au jour le jour une existence dépourvue d’avenir. Les mois passent, âpres et mornes, jusqu’au moment où une brèche vient s’ouvrir dans cette vie dévastée.
Qu’est-ce qui redonne le goût du bonheur quand on a tout perdu ? Qu’est-ce qui rend l’espoir, le désir de vivre ?
Roman d’ombre et de lumière, Les Promeneurs brosse le portrait de personnages blessés mais non brisés, d’êtres égarés dans un monde gagné par la violence mais où subsiste, comme une forme de résistance, l’aventure humaine qui naît des rencontres.
Extrait
D’après mes calculs — j’ai demandé l’information à l’administration communale mais on a refusé de me la donner, il paraît que c’est confidentiel – près de quinze cents personnes vivent dans les sept tours qui composent la Cité des Marais. Alors, pendant la journée, on peut se trouver à peu près n’importe où, il y a toujours des yeux qui traînent… Des agressions ne se produisent d’ailleurs que très rarement. Les nuits, par contre, sont beaucoup plus menaçantes, mais il suffit de rester chez soi et de s’enfermer à double tour. On ne risque rien à condition, bien sûr, de n’ouvrir la porte à personne. C’est l’erreur qu’a commise Nassima. Elle a cru que c’était son fils qui rentrait. On l’a retrouvée morte le lendemain matin. Elle avait été violée puis égorgée. C’est dommage. Elle était mon unique amie. On s’échangeait des livres qu’on allait chercher à la bibliothèque. C’est là, du reste, que je l’avais rencontrée.
Je lui ai rapporté ses livres à contrecœur, bien décidé à ne pas m’attarder avec elle. Je n’avais rien à lui dire et aucune envie de la connaître davantage. Mais j’étais encore trop faible, beaucoup trop faible.
Quand elle m’a ouvert la porte, j’ai vu immédiatement qu’elle avait pleuré. Elle avait les paupières gonflées, des cernes sous les yeux. J’ai fait mine de ne rien remarquer et je lui ai tendu les deux cabas en précisant que je n’avais pas le temps de rester plus longtemps. Elle n’a pas eu un geste pour se saisir des cabas. Au lieu de me remercier, elle a prononcé ces mots d’une voix haletante :
— Mon fils n’est pas encore rentré…
— Bonjour monsieur. Excusez-moi de vous déranger. C’est Pascal. Je voudrais vous parler.
Pascal… Ce prénom me disait bien quelque chose mais, sur le moment, je ne suis parvenu à l’associer à aucun souvenir précis.
J’ai répondu :
— Je ne connais pas de Pascal, vous vous êtes trompé d’adresse.
La voix a continué :
— Non, laissez-moi entrer, je vous en prie. Je suis le fils de Nassima.