Peu après la chute de mur, deux jeunes femmes de Budapest, amies d’enfance avec tout ce que cela comporte d’ambiguïtés et de non-dit, émigrent en France à l’insu l’une de l’autre. Deux errances, dans lesquelles l’une d’elles usurpe l’identité de l’autre, et qui convergent dans l’amour d’un autre errant.
Que reste-t-il d’un destin quand il se refuse au théâtre factice du monde ? Nous sommes chacun une petite part d’humanité, une part de ce jeu terrestre qui nous échappe et qui court au-devant de nous. Nul exil pourtant. Car jamais le collectif ne fut si assourdissant.
« Que cherchent-ils au Ciel, tous ces aveugles ? », ces femmes sans illusions, ces hommes errants, ces âmes que la providence a précipitées à contresens. Tantôt confidents, tantôt narrateurs, ils poursuivent ce spectre vagabond, celui d’une Europe fantomatique, une Europe disparue, broyée entre le socialisme réel de l’Est et la vacuité du monde de l’Ouest, si attendu, si espéré, et pour finir si désespérant. Et à chaque pas, à chaque tour du cadran, ils résistent à l’effarante étrangeté de notre époque, écartant leur destin, comme celui de tout un continent, de sa fatalité.
Jane Austen pensait que la femme de son époque écrivait dans « l’ourlet » de la littérature. Chaque femme écrivain, d’une certaine manière, a repensé le monde, les yeux levés au ciel, partagée entre héritage et résurrection. Daniella Pinkstein s’inscrit dans leur sillage.